Vers un art radiophonique numérique ? (4/4)

Cela ne vous a pas échappé : ces dernières années, nombre de sites web commerciaux et fournisseurs d’accès mettent en avant leurs services “radio”. En vérité, ceux-ci ne sont que des flux de diffusion de musique et ont donc peu de chose à voir avec de la radio, réduisant même sa définition à celle de simple robinet musical sans âme.

Mais dans la rhétorique publicitaire, le mot “radio” est sans doute plus tendance – et son impact jugé plus efficace – que les termes “flux musical” ou “flux audio”. À l’heure où l’on rapporte que les jeunes générations ne se fidélisent plus aux stations hertziennes, cette dérive sémantique reflète peut-être aussi un changement plus profond dans notre culture commune de ce qu’est la radio. La radio dans sa spécificité tend, peu à peu, à se fondre dans le champ plus large, et plus vague, de l’audio.

La radio, soluble dans l’audio

(cc) Thierry Vrakking

(cc) Thierry Vrakking – flickr

Si l’on met en balance la banalisation de l’écoute au casque avec la prolifération – récente – des récepteurs à écran (smartphones, tablettes), on peut se poser la question d’un “âge d’or de l’audio” qui toucherait déjà à sa fin ou bien, au contraire, serait en passe de se répandre encore plus largement. Le succès des plateformes de partage de son (Soundcloud, Audioboo) fait écho au regain de l’expérimentation autour de nouvelles écritures sonores – d’Arte Radio(1) à Silence Radio en passant par NouvOson(2) –, mais ces initiatives créatives qui, pour certaines, tendent à s’installer durablement dans le paysage radiophonique, existent en-dehors et presque en totale ignorance de la radio de flux.

En réduisant le signal radio efficient à des données audionumériques, les réseaux semblent avoir réduit le média-radio à une fonction de simple convoyeur de son. S’illustrant exclusivement par la mise en ligne d’émissions après diffusion (ce qu’on nomme la “délinéarisation”) ou par la création de contenus sonores spécifiques (“radio à la demande”), l’évolution actuelle de la radio vers l’audio laisse notre flux hertzien traditionnel à l’arrière-plan, comme un vieux monsieur dépassé. N’y a-t-il pourtant pas à tirer parti de la numérisation du son et du développement d’internet pour réinventer la radio de flux ? Les projets artistiques fous des débuts des années 2000, tels Locustream ou le Poulpe,(3)  sont-ils tellement radicaux qu’ils n’ont pas atteint la radio traditionnelle ? L’exemple institutionnel de Kunstradio et ses 25 ans de dissection assidue du média(4) est-il sans avenir ?

La création nécessite l’accès démocratique aux médias

radio antena mano

(cc) Oriana Eliçabe – flickr

Dans la sphère professionnelle, certains voient dans la Radio Numérique Terrestre la révolution technologique qui manque encore à la radiodiffusion hertzienne. Mais deux types d’arguments s’affrontent autour de la RNT : la numérisation totale du réseau terrestre semble être dictée tantôt par de bonnes intentions (élargir l’offre, respecter le pluralisme des opérateurs et l’anonymat des auditeurs, améliorer la qualité sonore), tantôt par des intérêts économiques (développer l’industrie). Surtout, l’impossibilité pour une station d’être autonome au niveau de sa diffusion, ajoutée à l’abandon programmé de la bande FM comme corollaire au développement de la RNT, est vue par certains observateurs et acteurs des radios libres comme une menace pour la liberté d’expression et de création.(5) Pour beaucoup de petites radios, en l’absence d’un fonds de soutien spécifique, les coûts supplémentaires engendrés par la radiodiffusion numérique se répercuteraient d’une manière ou d’une autre sur la production des contenus. Pour finir, il est difficile de se figurer quel type d’art radiophonique aurait encore une marge de manœuvre dans le cadre technique complexe et verrouillé de la RNT.

Avec la fermeture de transmissions analogiques(6), se pourrait-il que les ondes électromagnétiques – le berceau de l’art radiophonique ! – servent de moins en moins la radiodiffusion et de plus en plus la téléphonie mobile ?(7) Dans le contexte de crise économique, les États ont partout tendance à diminuer les dotations des radios publiques et les subventions aux associatives, avec des conséquences sur les programmes élaborés ou minoritaires.(8) Les réseaux mobiles (téléphonie, wifi) pourraient attirer “l’imagination sans fil”,(9) mais rien ne garantit qu’internet demeure un espace sans limites, libre et ouvert à l’expérimentation. À l’ère numérique, où vont donc se nicher les pratiques artistiques qui réinventent la radio ?

Des communautés d’auteurs et d’auditeurs

Lorsqu’on écoute un flux radio, on est possiblement en train de découvrir chaque seconde du programme en même temps que des dizaines, des centaines, des milliers d’autres personnes.

Ne pas voir la source du son est une des magies de la radio ; ne pas voir les autres auditeurs, tandis qu’on partage la même expérience sensible au même instant, en est une autre. Or, la radio-à-la-demande, de même que toute production audio sur le web, est totalement pré-produite et par essence détachée d’une écoute “en direct”. Lorsqu’on déclenche un podcast, on est seul. L’audio à la carte s’inscrit en plein dans la société de consommation et son lot d’individualisation et d’esseulement.

La démocratisation économique des outils audio pour enregistrer, monter et publier en ligne a conduit à une abondance de propositions créatives. Tout un chacun peut pratiquement créer sa propre “station de radio”. Néanmoins, toute cette offre manque souvent d’atteindre un public. Réunir des auditeurs disséminés en communautés d’écoute est probablement un besoin croissant de l’ère contemporaine. D’autant plus que, du côté de la création comme du côté de la réception, on est souvent seul.

Alors ce n’est sans doute pas un hasard si, en parallèle à l’expansion d’internet ces dix dernières années, on a constaté un formidable développement des séances d’écoute publiques et des festivals consacrés à la radio et à la création radiophonique (10). On le remarque aussi quotidiennement sur nos réseaux sociaux : les gens ont toujours besoin d’écouter ensemble.

La radio est affaire collective, d’un bout à l’autre. Si un véritable “art radiophonique numérique” ne nous semble pas encore s’être installé, on l’appelle de tous nos vœux. Pour qu’il se réalise, il suffirait d’être quelques-uns à le vouloir, à le faire et à le défendre très fort ;-)

Merci à Cristina Anghel pour les traductions. Relire l’ensemble du dossier.

Notes :

(1) Sur Syntone, nous avons pu discourir en long et en large du bouleversement provoqué par Arte Radio dans le paysage radiophonique francophone à l’occasion d’un dossier autour de ses 10 ans en septembre-octobre 2012.
(2) Outre NouvOson – lire sur Syntone Du NouvOson plein la tête, avril 2013 –, Radio France multiplie les nouvelles plateformes web, comme France Culture Plus à destination des étudiants ou les futurs portails fiction et documentaire de France Culture, annnoncés respectivement pour l’été 2013 et courant 2014.
(3) Lire l’article précédent, Vers un art radiophonique numérique ? (2/4)
(4) Lire l’article précédent, Vers un art radiophonique numérique ? (3/4)
(5) Au sujet de la RNT, lire notamment sur Syntone Benoît Bories, Radio Numérique Terrestre : une entrave à la création ?, avril 2012.
(6) C’est le cas notamment de stations internationales qui cessent leurs émissions en ondes courtes pour se concentrer sur le web.
(7) La bande de fréquence réservée à la modulation de fréquence pourrait convenir à la téléphonie.
(8) La radio nationale italienne n’a plus de programme d’art radiophonique depuis l’arrêt d’Audiobox en 1998. La radio australienne, plus depuis 2004 et l’abandon de The listening room. En France, après 40 ans d’ajustements périodiques (3 heures hebdomadaires en 1969, 55 minutes en 2011), l’Atelier de Création Radiophonique de France Culture est maintenu moins d’une dizaine d’heures par an et n’apparaît plus comme émission à part entière dans la programmation de la chaîne.
(9) Filippo Tommaso Marinetti,  Les mots en libertés futuristes, 1912.
(10) Dans la sphère francophone, citons seulement les festivals Phonurgia Nova (depuis 1986), Radiophonies (depuis 2002), Radiophonic (depuis 2003 avec des précédants), Longueur d’ondes (depuis 2003), Engrenages (2003-2005-2008), Sonor (depuis 2006), Ohrwurm (depuis 2010).

6 Réactions

  • Yoann V. dit :

    « Les jeunes générations ne se fidélisent plus aux stations hertziennes »,

    FAUX : D’après Médiamétrie chez les 13-25 ans, un jeune sur deux est déjà entré en contact avec une radio. Cf le succès des antennes libres du soir (Skyrock, NRJ, Fun…). 2/3 des 13-24 ans écoute chaque jour un programme musical à la radio.

    « Les réseaux semblent avoir réduit le média-radio à une fonction de simple convoyeur de son. »

    Attendons de voir l’arrivée d’un « Web 3.0 » pour lequel on voit déjà des prémices de l’utilisation du son au sein de nos navigateurs. L’API sound (http://www.html5rocks.com/en/tutorials/webaudio/intro/) qui tourne déjà bien sur Chrome n’a plus qu’à se démocratiser. Elle s’est déjà constituée une communauté de développeurs…

    « Il est difficile de se figurer quel type d’art radiophonique aurait encore une marge de manoeuvre dans le cadre technique complexe et verrouillé de la RNT »

    La technique ne porte, en elle, pas d’idéal politique (polis, au sens de la vie citoyenne) : la diffusion hertzienne analogique a longtemps été réservée à une élite (au moins jusqu’en 1981…). Nous pouvons aussi être optimiste vis-à-vis d’Internet qui se montre un lieu en constante ébullition.

    « Lorsqu’on déclenche un podcast, on est seul. L’audio à la carte s’inscrit en plein dans la société de consommation et son lot d’individualisation et d’esseulement. »

    La technique du podcast n’est pas prescriptive d’un type d’écoute : le podcast permet l’écoute solitaire mais ne l’oblige pas. Il s’agit simplement d’un usage. Rien n’empêche d’écouter un podcast en groupe, de même que rien n’interdit de faire de la radio « en direct » sur le web… On aurait pu alors tout aussi bien s’inquiéter de l’essor du transistor dans les années 60, qui a propulsé la radio vers une écoute mobile, et de cette écoute mobile, une écoute solitaire.

    « Tout un chacun peut pratiquement créer sa propre « station de radio ». Néanmoins, toute cette offre manque souvent d’atteindre un public ».

    Les créations sonores (ou audio) sur Internet trouvent un public (cf Le Donjon de Naheulbeuk, depuis 2000), qui se déplace à des concerts, réagit, commente, propose, créé. Que ce public devienne un jour auditeur d’autres formes radiophoniques (ou de flux hertziens) est une éventualité, pas une nécessité. Il n’est pas nécessaire de réunir tout ce monde sous le « drapeau » de « l’art radiophonique numérique ». L’art ne se questionne pas d’être ni radiophonique, ni numérique. Il est art, expression, lien, échange, rencontre.

    « Si un véritable « art radiophonique numérique » ne nous semble pas encore s’être installé… »
    Ben si, il est là, il ne se revendique pas comme tel, mais il est là…

  • Yoann V. dit :

    A Fanch Langoet : le mot « radio » n’appartient à personne. Personne n’a le droit d’en modérer l’usage. Si l’on expose un jour, dans un musée, des WC accompagnées d’un écriteau avec le mot « radio » dessus, on ne pourra que critiquer, être scandaliser ou être amusé… Deezer et les descendants de Radioblog seront effectivement des radios, le jour où l’on dira en parlant d’eux ou de leurs contenus : « j’ai entendu ça à la radio ». Si cela arrive, on pourra toujours crier au scandale, chercher un autre mot pour désigner la « radio » telle qu’on la conçoit mais on ne pourra pas changer le vocabulaire de ces auditeurs. De la même façon, il est difficile (et sans doute ridicule) d’apprendre aux gens à dire « courriel » plutôt que « e-mail ». La langue française n’est pas la propriété d’académiciens octogénaires…

  • fanch dit :

    à Yohann V., Bonjour ! Suis assez d’accord avec votre point de vue. Dans l’absolu effectivement chacun peut nommer comme il lui chante ce qu’il met en œuvre. Si l’Appelation d’Origine Contrôlée du mot radio pourrait faire sourire, toutefois le label Librairie Indépendante de Référence (LIR) permet de différencier les libraires des épiciers. L’abus de l’emploi du titre de « radio » brouille les pistes au point de rendre beaucoup plus difficile la distinction entre ce qui d’origine est de la radio et ce qui aujourd’hui prend une forme qui n’a rien à voir avec la radio.

    Est-ce que si je fais défiler des images fixes sur un écran, je peux revendiquer l’appelation de cinéma muet ? Est-ce que si j’y ajoute du son, je peux appeler ça de la TV ? Et si ces images montrent des musiciens en action puis-je appeler ça un concert ?

    Ce que j’essaye de dénoncer, c’est que ceux qui utilisent et banalisent le terme de radio ne le font ni au titre de la subversion, ni même à celui de la création, quand pour eux il s’agit d’utiliser un terme à des fins exclusivement commerciales lucratives.

    Si ma proposition risque d’achopper viendra bien un temps pourtant où il faudra distinguer ne serait-ce que pour revendiquer un statut auprès d’autorités de régulation et/ou de contrôle ? Qu’en pensez-vous ?

  • fanch dit :

    Ton article analyse très bien l’environnement économique et social de la radio, et pose, de fait, les bonnes questions des enjeux de ce média qui nous « accroche » au quotidien. Je m’en tiendrai juste aujourd’hui à développer à partir de ton constat : « nombre de sites web commerciaux et fournisseurs d’accès promeuvent des services “radio”. En vérité, ceux-ci ne sont que des flux de diffusion de musique et ont donc peu de chose à voir avec de la radio, réduisant même sa définition à celle de simple robinet musical sans âme ».

    J’ai plusieurs fois eu l’occasion, sur mon blog, de pointer la création de ces nouvelles « radios »  par des opérateurs qui, comme tu le montres très bien, utilisent la forte valeur du mot radio et son image de marque excellente pour donner un nom prestigieux à ce qu’ils ont mis dans « une boîte à sons ». Au-delà des sites de flux musicaux je m’intéresserais à ces faux-nez, qui, pour faire encore mieux croire qu’il s’agit de radio, y ont ajouté de la « parlotte« , du talk comme on dit à RMC.

    Je n’ai jamais eu le goût, ni le désir d’aller perdre mon temps à écouter les radios « EDF »,  » Carrefour » ou « Truc », en clair les radios corporate comme savent si bien les nommer les promoteurs de lessive ou de crackers. Par contre quand des journaux créent sur le web des sections radio j’ai quelquefois été y tendre l’oreille. Je mettrai à part la démarche de Libération et le travail d’Hervé Marchon (« Dans ton casque ») ou les créations de LibéLabo.

    Plus surprenant (le mot est faible) la démarche de l’hebdomadaire culturel « Télérama » qui en créant « Télérama radio en direct », a largement brouillé les pistes, et laissé accroire qu’il proposait une offre radio. On assiste bien là à la « dérive sémantique » affirmée au début de ton article. Ce qui dans ce cas est  affligeant, c’est que Télérama est un prescripteur culturel qui, pour une part congrue aujourd’hui, propose hebdomadairement une sélection d’émissions radio, de programmes et de critiques (sur 3 pages d’un hebdo qui en compte plus de 150 chaque semaine). Télérama a la radio dans ses gènes, puisque l’hebdo dès sa création, en 1947, (il s’appelait alors Radio-Cinéma) affichait haut la radio dans ses choix éditoriaux. En créant sa  » boîte à flux », Télérama participe du brouillage, du parasitage de la radio, celle qui, à la source, émet pour une diffusion hertzienne en direction d’un public très large (43 millions d’auditeurs/jour).

    Que Télérama surfe sur cette dérive, c’est un choix éditorial très certainement assumé, mais que dans le même temps il délaisse petit à petit ce qui avait participé de sa renommée et de sa référence est beaucoup plus dommageable pour son image de marque voire même de son éthique. Car après avoir été plus d’un demi-siècle promoteur de la radio comment a t-il pu basculer dans une démarche tendance, vide de sens et superficielle ?

    Pour commencer à répondre à ta conclusion « La radio est affaire collective, d’un bout à l’autre. Si un véritable “art radiophonique numérique” ne nous semble pas encore s’être installé, on l’appelle de tous nos vœux. Pour qu’il se réalise, il suffirait d’être quelques-uns à le vouloir, à le faire et à le défendre très fort ;-)« , ne faudrait-il pas commencer par protéger le mot « radio » et son acception, et de fait imposer à tous ceux qui l’ont usurpé par un titre ne corresponaent pas à sa définition, d’en changer. La grande mascarade du faux-nez permanent, que Guy Debord devait appeler « La société du spectacle » devrait très vite prendre fin.

    Je n’attendrai pas cette clarification légitime pour défendre la radio de création. C’est ce que modestement j’essaye de faire chaque jour sur mon blog. (à suivre)

    Fañch Langoët, radiofanch.blogspot.fr

  • Yoann V. dit :

    Je voudrais revenir sur mon dernier commentaire : 

    Ce travail de veille des productions sonores (ou radiophoniques, si l’on veut) est essentiel, il faut bien sûr l’encourager. Il est capital d’avoir un lieu, ce site, qui ouvre des portes à de nombreuses productions sonores d’horizons différents : venant de la radiodiffusion, d’internet, de l’installation, la performance ou de tout autre espace créatif dans lequel peut s’insérer une écriture radiophonique (c’est-à-dire presque partout…).

    Ce que je critique, peut-être un peu trop durement, c’est la recherche d’une définition d’un « art radiophonique ». Pourtant, je plaide coupable : j’ai d’abord eu cette volonté au début de mon mémoire. Ma conclusion est la suivante : 

    « Retracer plus d’un centenaire d’histoire de la radio, analyser ses techniques et ses programmes, exposer certains de ses codes, étudier la remise en cause de ces pratiques permises par Internet et l’écoute délinéarisée n’est pas trouver une définition définitive à la radio. C’est simplement mettre en lumière des pratiques qui nous semblent intéressantes, relever quelques potentiels esthétiques qui se sont trouvés non pas adaptés au dispositif radiophonique mais simplement réalisables parce que le dispositif le permettait ou le facilitait.  »

    La figure de Pierre Schaeffer est un bon exemple de cette nuance : son travail théorique (dans Dix ans d’essais radiophoniques, du Studio au Club d’Essai, 1942 /1952) n’est pas prescriptif d’une méthode à adopter pour faire de « l’Art radiophonique » mais simplement indicatif d’éléments qui peuvent entrer en jeu dans une forme d’écriture sonore. Son travail musical qui a suivi, avec la musique concrète, démontre bien que ces interrogations dépassent même le cadre de la radiodiffusion. Et qu’il n’est, en réalité, pas nécessaire de définir un « art radiophonique », puisque ces créations débordent la radio. 

    Qu’on appelle cela de l’audio ou de la radio, ou même simplement des « objets sonores », importe peu. On peut s’appuyer sur des repères (et il est important que ces objets constituent des points d’échanges entre auditeurs, entre auteurs ou critiques…) mais ça ne peut rester que des repères. 

    Un projet dont la base serait simplement de se dire « il faut que cela soit radiophonique » ou « il faut que cela soit numérique » irait très certainement vers quelque chose de « déjà vu ». Pire encore, cela pourrait conduire à une standardisation des pratiques artistiques… Non, un projet ne peut naître que d’un désir subjectif d’expression artistique, sociale, poétique ou expérimentale : le médium n’est qu’un outil.

    Donc, bien sûr il est nécessaire de continuer à échanger sur les productions sonores (ou autres), et l’on peut même discuter des goûts et des couleurs, mais je pense qu’il faut prendre garde à ne pas réduire la radiophonie aux quelques pratiques qui lui servent de repères. Même si une définition de la radiophonie serait incontestablement plus confortable pour cerner son objet d’analyse (ou de critique), on remarque, pas seulement avec Internet, que cette définition serait obsolète au moment même où on l’énoncerait… 

    En admettant qu’on puisse « faire vraiment de la radio », quel matériel prendre alors ? Des micros, un magnétophone, une station de montage ? On sent combien cette définition est réductrice :
    pourquoi pas un ordinateur pour coder le dispositif dans lequel va s’intégrer le son, pourquoi ne pas imaginer ajouter une caméra quitte à ne pas garder l’image, simplement pour rendre compte de comment un dispositif d’enregistrement modifie la parole, pourquoi ne pas passer par la peinture, la sculpture ou la bande dessinée ?…

    Concernant le travail de critique, André Bazin commençait son « Qu’est-ce que le cinéma » par les remarques suivantes : 

    « Le titre de cette série Qu’est-ce que le cinéma ? n’est pas tant la promesse d’une réponse que l’annonce d’une question que l’auteur se posera à lui-même tout au long de ces pages. Ces livres ne prétendront donc point offrir une géologie et une géographie exhaustives du cinéma, mais seulement entraîner le lecteur dans une succession de coups de sonde, d’explorations, de survols pratiqués à l’occasion des films proposés à la réflexion quotidienne du critique ».

    Cette réflexion s’applique aussi bien à la critique « radiophonique ». On ne peut pas répondre à la question « Qu’est-ce que la radio ? ».

    A propos de l’indépendance d’internet, Syntone est sans doute un exemple de cette indépendance (espérons-le ! ;) ) 

    L’indépendance ou la liberté de la radiodiffusion est toute relative : je ne suis pas sûr que la période 1914-1945 soit un bon exemple d’une époque pendant laquelle la radio était « libre »!!! 

    Web 3.0 n’est peut-être pas la bonne terminologie. J’ai personnellement la conviction qu’il y a des choses à essayer du côté du développement d’applications sur Internet (du côté du Javascript), ce qui permettrait de sortir le son du player dans lequel il est enfermé, d’imaginer des nouveaux dispositifs… Toutefois, cela ne signifie pas que le player n’est pas un « bon » outil, il est simplement devenu une norme à questionner. 

     

    J’observe aussi que les espaces web offrent déjà des lieux multiples et relativement variés à l’intérieur desquels se développent une créativité. Qu’elle soit radiophonique ou non importe finalement peu (je trouve personnellement que les twits d’Alain Veinstein @AVeinstein sont de l’ordre de la radiophonie…), rien n’oblige à y insérer du son.

  • fanch dit :

    @yohann, cette longie précision que tu viens d’apporter est tout à fait intéressante et pose bien les alternatives et/ou les questionnements à requestionner (sic).

    Quant à ta conclusion est-ce que c’est parce qu’on connaît bien Veinstein qu’on peut dire ce que tu dis ? Quelqu’un qui ne l’aurait jamais entendu pourrait-il le dire ? Et maintenant que dirais-tu des tweets de Pivot ? ;-))

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