Les Passagers restent sur le quai

Trop libres ? Trop expérimentaux ? Trop chers ? Les Passagers de la nuit qui ont beaucoup travaillé sur les archives et la mémoire radiophonique ont fini par se fondre avec leur sujet d’études : il faudra dorénavant en parler au passé. L’émission de Thomas Baumgartner ne sera pas présente à la rentrée, son bail n’ayant pas été renouvelé par Olivier Poivre d’Arvor.

(cc) Patrick Wilken - flickr

(cc) Patrick Wilken – flickr

Décision sans appel pour ce qui était une des cases les plus inventives de la station, une des vraies bonnes raisons d’écouter (encore ?) France Culture. Après deux années d’une richesse créative enviable et de recherches éditoriales forcément inégales, l’émission serait sans nul doute arrivée à maturité lors de sa troisième saison. Le nouveau directeur de France Culture en a décidé autrement mais ne s’est pas encore exprimé, pas plus que Thomas Baumgartner. Dans les couloirs de la Maison ronde, certains pensent à des raisons économiques à ce choix, d’autres avancent la construction d’une nouvelle grille, avec les jeux de pouvoir et de réseaux y afférant. La place de la création radiophonique, pourtant inscrite dans les gènes de la station, devrait y revêtir une nouvelle forme qui reste pour le moment à définir.

Non annoncée officiellement, cette suppression tombe à une période que l’on dit très agitée à France Culture, où nombre de producteurs ne sont pas rassurés sur leur destin. La disparition des Passagers n’est pourtant pas totalement surprenante : la quotidienne avait été amputée à la rentrée dernière de 20 minutes pour passer à une demi-heure ~ pas forcément très bon signe pour son avenir. Parallèlement, l’ACR était lui aussi raccourci pour être “recadré” sur soixante minutes. Mauvais temps pour les tenants d’une certaine vision de la radio, donc, qui semble aujourd’hui encore chercher une pérennité sur des ondes censées lui être acquises. Il faudra donc se dépêcher de profiter des dernières visites des Passagers, à l’antenne jusqu’à la fin de la saison actuelle, fin juillet. Thomas Baumgartner proposera pendant l’été une série de ses Mythologies de poche de la radio. C’est peut-être dans ce genre d’émission patrimoniale que l’on retrouvera, un jour, les Passagers de la nuit.

4 Réactions

  • micka dit :

    C’est pas grave, on pourra toujours écouter une autre émission avec de la fiction radiophonique… ah, on me dit dans l’oreillette qu’il n’y en a pas!

  • Signe des temps, oreilles trop ambitieuses, pas assez audio-populistes, remplir les quotas, se plier à la médiocrité auriculo-ambiante…

    Il y a encore du travail pour défendre de vrais territoires d’écoute, à la radio et ailleurs…

    GM

  • matt dit :

    En ajoutant à cela la disparition de l’Atelier de création radiophonique (même si la qualité de celui-ci était depuis quelque temps… inégale…), on se dirige vers une grille vraiment « remise à plat ». Mais on ne peut pas complètement désespérer tant qu’on ne sait pas exactement ce qu’il y aura à la place, bien sûr.

  • Favrice dit :

    La culture … on peut lui donner beaucoup de définitions cf par exemple Kultur et Bildung en Allemand.

    Conserver , approfondir la mémoire culturelle c’est essentiel et ça, cette radio le fait très bien dans tous les domaines (et va le faire cet été …nous l’avons compris !) et je l’en remercie.
    Paradoxalement le temps accordé à la mémoire de la radio (media essentiel à cela) n’arrête pas de rétrécir au fil du temps « comme peau de chagrin »; mais laissez moi parler du mien de chagrin : l’équipe de T. Baumgartner en plus d’être soudée, ce qui rend son efficacité bien plus grande qu’un grand nombre d’autres émissions ( c’est peut-être ça le problème) , fait le lien entre passé et avenir écrit et oral , couches sociales du dessous et celles du dessus , chercheur en tous genres , chercheurs et artistes sonores.

    Pour reprendre les propos de M.de Certeau selon lesquels les moments où la parole perd de son sens ( quid de la langue de bois des politiciens , de votre banquier , de votre boulangère même, des débats à n’en plus finir, des prises de becs surpassant la médiocrité télévisuelle) , ne suffit plus à rendre compte de l’identité, des identités ; en réaction ,  en »résistance »  naissent des  » formes nouvelles » « surgissement du silence »   : la parole ne peut plus tout  ! Une émission comme les passagers de la nuit me paraît essentielle pour en plus du plaisir qu’elle procure, de l’humour , de l’ironie, défendre ce phénomène qui ne cesse d’évoluer; les sons, les bruits sont aussi des traces de la culture, des traces de l’humain ( sons hors parole …je souligne pour ceux qui n’auraient pas compris !!!) . Les nouvelles formes d’art et de recherche qui en sortent dans toute leur originalité , la foi des personnes qui y travaillent voilà ce que laisse résonner les passagers de la nuit au lieu de raisonner simplement. Je me reconnais dans cette émission, c’est ma génération qui s’exprime et laisse s’exprimer la société dans laquelle je vis , celle dans laquelle d’autres ont vécu et vivront.

    Supprimer une telle émission c’est se voiler la face ( c’est interdiiiiiiit maintenaaaaant !), refuser les phénomènes en cours.

    Cette émission possède des auditeurs fidèles qui ne sont pas obligatoirement des geek de FB ; des gens y travaillent , en aide d’autres , un réel échange existe (encore un fois contrairement à d’autres émissions  et c’est peut-être la raison pour laquelle…).

    lorsqu’on est génial mais trop petit on se fait souvent phagocyter voire évincer … cette jalousie très humaine est regrettable , surtout de la part d’une radio qui prétend diffuser la culture… mais la culture ce n’est pas pour faire le Barnum dans les salons c’est aussi et surtout un MOYEN pour nous faire réfléchir, évoluer, aller vers l’autre et nous rappeler tous les soirs que nous ne sommes en ce monde que des passagers .

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