Une radio locale permanente en FM, faite par des 9-25 ans ? C’est depuis l’an 2000 le défi de Radio Sommières, implantée dans la bourgade du même nom entre Nîmes et Montpellier. Reportage.
Connue pour son vin, Sommières, 5000 habitant·e·s dans la garrigue gardoise, gagnerait à l’être tout autant pour son dynamisme culturel où tiennent en bonne place la musique, le cirque et les arts de la rue. Partie prenante et relais de cette effervescence, Radio Sommières est animée par des jeunes de 9 à 25 ans. Au hasard du flux musical, des voix d’enfants annoncent « le festival jeune public Un, deux, trois soleil ». Plus tard, un jingle où des musiciens de la scène actuelle posent leurs dédicaces au 102.9 FM. Puis, d’une voix plutôt assurée, c’est Sacha qui ouvre les programmes de la journée avec la matinale Good Morning Sommières.
Lumineux, vastes et fonctionnels, les locaux de Radio Sommières rendraient jalouses bon nombre de radios associatives, reléguées à des lieux étroits et sombres. Ici, la mairie affiche son soutien en mettant à disposition le local et le site de diffusion. Depuis 2000, la radio agite la FM du coin. Comme un peu plus des six cents autres associatives en France, Sommières s’inscrit dans une mission de « communication sociale de proximité ». Tenir cette exigence institutionnelle, « animée par des enfants et des jeunes », tel est le pari de son fondateur et directeur Erwan Averty. « Les neufs premières années, on faisait une radio temporaire dans le cadre du centre de loisirs. En 2010, le CSA nous a permis d’obtenir une autorisation permanente de diffusion », raconte-t-il.
La radio est l’émanation des Francas du Gard, une association d’éducation populaire. Erwan est à la fois directeur d’antenne « pour le CSA » et directeur de centre d’Accueil et de Loisirs Sans Hébergement (ALSH) « pour Jeunesse et Sport ». À la croisée des deux catégories d’action publique, Radio Sommières ne souffre pas encore de la crise financière et de sens que subit le monde des radios associatives1. « Mais jusqu’à quand ça va tenir ? » s’interroge, lucide, Erwan. Comme pour beaucoup, la subvention du FSER (Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique) est en recul. Et certaines collectivités donnent moins pour les projets engagés avec la radio. En plus d’Erwan, l’équipe salariée se compose de Maeva, elle aussi en CDI, et de Christopher qui bénéficie d’un « Contrat d’avenir ». S’ajoutent Julien et Sacha, en service civique. En cette veille de vacances de la Toussaint, l’association compte quarante-six adhérent·e·s qui, « comme dans une radio associative normale viennent faire leur émission hebdomadaire », explique Erwan. D’autres jeunes font de la radio à travers des ateliers scolaires et d’autres interventions à l’extérieur. Pour Maeva, Radio Sommières est « un espace d’expression ouvert aux enfants et ados. Un lieu d’échange sur ce qui les concerne, tout comme un outil de mise en place de projets ».
En tant que programmateur, Erwan a fait le choix « des musiques actuelles. Ce n’est pas parce que l’on fait de la radio avec des enfants que l’on doit diffuser le son commercial qu’ils entendent partout. On veut leur apporter autre chose », défend-t-il. Les activités de la radio les amènent en outre à fréquenter concerts et festivals à la rencontre des artistes. « J’écoutais des rappeurs qui sont trop vulgaires, qui ne donnent pas de bons exemples à la jeunesse », témoigne Sacha qui s’est ouvert à d’autres musiques au contact de Sommières, durant ses années collège. « Chaque enfant qui vient ici, la pratique lui apporte quelque chose. Moi je gobais tout rond la télé et la radio. J’ai appris que les médias peuvent facilement manipuler », poursuit le jeune homme de 19 ans. Le début d’une ouverture à la critique des médias même si « on ne fait pas de l’éducation aux médias à proprement parler », concède Maeva. À l’écoute, Radio Sommières est une radio culturelle comme une autre, enchaînant sa programmation musicale avec des chroniques et interviews sur l’actualité culturelle et geek. Cependant, auprès des jeunes, l’équipe encadrante ne suggère pas de nouvelles expérimentations de format ; ni même d’espace pour l’écoute et l’analyse de radio. Lors de notre passage, nous ne les avons pas vu·e·s échanger ou débattre à l’antenne. On les amène à reproduire des formes convenues, à « jouer à faire de la radio » sous une forme induite par les adultes (qui sont systématiquement présent·e·s dans l’animation du direct) plutôt que trouver leur expression personnelle. Quant à l’information, celle-ci se résume aux flashes de deux minutes fournis par la banque de programmes Sophia Radio France2 et à la revue de presse locale dans la matinale de Sacha. « On ne fait pas de journalisme parce qu’on n’est pas politique. Ce n’est pas notre métier », pare Erwan, sous-entendant que journalisme rimerait avec parti-pris. « Mais si un jeune est motivé par les aspects du journalisme, on l’accompagnera », affirme-t-il.
Maeva accueille les jeunes au studio et les encadre depuis la préparation jusqu’au direct. « Voilà jusqu’où tu peux monter les micros », indique-t-elle à Raphaël, 12 ans, qui prend place en régie. C’est sa première saison de radio : « J’aime bien parler en direct. À chaque fois j’ai le trac, j’ai peur de me tromper. Mais c’est un plaisir de parler de ce que j’aime ». Et sa passion à Raphaël, c’est le reggae. Il est 17h44, On Air, l’émission qui a du caractère, débute enfin. « On est plus là pour les gamins au micro que pour les auditeurs donc on refuse de démarrer à l’heure s’ils ne sont pas prêts », explique Erwan, « on ne veut pas leur mettre la pression ». Hors-studio, Chames se concentre dans la conception de À l’affiche, son émission sur le cinéma, alors qu’il ne prend l’antenne qu’aux environs de 20h. « Quand on fait une émission, il faut savoir préparer », expose le jeune homme de 20 ans. Lui a intégré Radio Sommières en novembre 2011 après un stage3. Madeleine, 17 ans, entame déjà sa septième année à l’antenne : « L’ambiance est unique à Radio Sommières. C’est un peu comme une famille. C’est sympa de parler à la radio et j’aime amener les gens à faire des découvertes », se réjouit-elle.
Madeleine a découvert la radio lors d’un stage sur le festival Jazz à Junas. Plus tard, elle a participé à d’autres festivals, comme Détours du Monde à Chanac en Lozère. Depuis quelques années, des animateurs et animatrices en herbe de Sommières y viennent comme en colonie de vacances. Une occasion pour elles et eux de se frotter à d’autres pratiques de la radio et à des sujets hors de leurs sentiers battus. Ils et elles co-animent la radio éphémère du festival, Radio Rumeurs du Monde, qui est aussi un projet des Francas, avec des représentant·e·s d’autres radios associatives régionales. Radio Sommières, seule radio pédagogique permanente en FM, compte bien faire tâche d’huile. Dans le studio trônent deux ordinateurs qui serviront à la programmation et à la diffusion de Radio Francas. La webradio proposera à l’écoute les productions des ateliers radio de l’association d’éducation populaire réalisés ailleurs en France.
À écouter
- Radio Sommières, sur le 102.9 FM autour de Sommières et partout sur le web : http://radio-sommieres.fr/
Notes :
1 À lire sur Syntone : Étienne Noiseau, Radios associatives : Péril en la demeure, octobre 2017. 2 Sophia Radio France est une banque de programme du service public radiophonique qui vend infos et chroniques prêtes-à-diffuser à des radios associatives ou commerciales. 3 À écouter comme exemple, la réalisation du stage de reportage de l’été 2017 : Une journée au château de Sommières, Radio Sommières.