Radia parle en langues

Radia, le réseau d’art radiophonique européen devenu mondial, pratique l’échange de programmes depuis bientôt 10 ans. Chaque semaine, une radio membre du réseau produit un programme original qui sera ensuite diffusé par toutes les radios membres – en Allemagne, Italie, Espagne, Macédoine, Canada, etc. Autant dire que, dès le départ, il s’est posé au sein de Radia le problème des langues. Bien entendu, la tentation est grande d’utiliser l’anglais comme langue véhiculaire, mais de temps en temps, des artistes relèvent le défi de l’intercompréhension.

(cc) Tobias Mikkelsen - flickr

(cc) Tobias Mikkelsen – flickr

Aveu de faiblesse sous couvert de radicalité ? Nombre de créations de Radia évacuent le problème de la langue en se passant du langage. Mixes de paysages sonores ou expérimentations bruitistes nous libèrent de la pesanteur des mots tout en étant plus exigeants pour notre écoute. Le langage des sons serait-il une langue universelle ? L’idée est belle, mais elle reste à prouver. On peut également penser que la musique est un dénominateur commun. Il est vrai que certaines mélodies n’ont pas attendu la mondialisation pour franchir les frontières et hanter nos mémoires : c’est le sujet de Rosarats in Barrels (2013), une création humoristique du duo néerlandais Klangendum pour Radio Worm, qui articule toutefois son commentaire… en anglais. Extrait :

Dès que l’on se frotte aux mots, les méthodes d’apprentissage de langues de type Assimil fournissent une matière sonore idéale et propice au détournement. C’est ainsi qu’Antal Vida prétend nous apprendre sa langue – le hongrois – en une leçon accélérée. Une leçon carambolée, plutôt. Extrait de International Language Course from Beginner to Master (2006) :

Mais persévérons dans l’apprentissage. En 2008 pour Resonance FM, les artistes Echo Ho et Hannes Hoelzl proposent de nous faire entendre une langue que probablement aucun auditeur de Radia ne peut comprendre : le tibétain. À la fin du programme, nous sommes censés être capables de reconnaître dorénavant la langue tibétaine. Sur un mode léger mais sérieux, Learning Tibetan est réalisé avec une communauté de Tibétains en exil en Allemagne. Écoutons-en les premières minutes  :

En 2007, Claudia Wegener, aussi connue sous le nom d’artiste radio continental drift, demande à des passants de Johannesburg de lire quelques lignes de l’autobiographie de Nelson Mandela, en les traduisant sur le tas dans leur langue natale. Il existe 11 langues officielles en Afrique du Sud, sans compter les dialectes. Le résultat est une mosaïque de paroles brutes et de langues inouïes. Grâce à Archive.org, nous pouvons écouter l’intégralité de ce Long Walk (Abridged) :

C’est alors que nous rentrons dans la sphère complexe du multilinguisme. Pour Kanal 103, Léa Promaja a expérimenté le documentaire où chacun s’exprime dans sa langue (macédonien, français, italien, anglais) sans traduction systématique : On the path of a word : Promaja (2013). Pour Radio Grenouille, Christophe Modica a voyagé dans les langues autour du thème de l’eau, dans une forme impressionniste et électroacoustique : Histoires d’eau (2006). Mais l’expérience la plus obstinée que nous connaissions provient de Radio Campus Bruxelles avec La femme sans visage, une fiction écrite par Clément Laloy et réalisée par Pierre De Jaeger en 2007. Un même récit onirique est dit en alternance par quatre voix dans quatre langues (allemand, anglais, italien, français). Le montage subtil, faisant des allers-retours dans le récit par l’avance ou le retard de certaines voix/langues, produit une dynamique d’écoute étonnante et finalement pas redondante. Extrait :

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