De plus en plus d’expériences artistiques font se croiser théâtre et création radiophonique. Quelle forme prend la radio quand elle se fabrique sur scène et en public ? Comment écrire à la fois pour le plateau et pour les ondes ? À l’occasion de la quatrième édition du festival Brouillage à Paris, Syntone invitait le temps d’une émission spéciale Florent Barat et Émilie Praneuf du collectif Wow! et Laure Egoroff, réalisatrice de fictions à France Culture.
Du 28 avril au 6 mai 2017 dernier, le festival Brouillage organisé par le théâtre de La Loge et Radio Campus Paris a mis en avant des créations hybrides jouant sur les frontières du théâtre, de la création radiophonique, des arts plastiques et de la musique expérimentale. L’illustration d’un intérêt croissant de la part d’autres disciplines pour la forme radiophonique : « L’idée est de proposer à des artistes sonores de réfléchir à la mise en scène et à des gens du théâtre de travailler la mise en ondes » souligne Mélanie Péclat de Radio Campus Paris, membre de l’équipe de Brouillage. Pendant tout le festival, créations et performances étaient ainsi diffusées en direct depuis La Loge sur l’antenne de Campus.
Comme le remarque Laure Egoroff, réalisatrice de fictions à France Culture, « au théâtre, il y a de plus en plus de micros et de systèmes de sonorisation. Sur scène, cela implique parfois un jeu plus radiophonique que théâtral. » Une envie de sonore « qui vient des artistes mais aussi du public », ajoute Florent Barat du collectif Wow! : « à Bruxelles, les soirées d’écoute que l’on organise sont toujours remplies ». Avec ses propres contraintes, qu’est ce que la radio peut donc apporter à la scène ? « Ce qui est très intéressant, c’est le décalage entre ce qui est donné à voir et ce qui est donné à entendre », explique Laure Egoroff en citant notamment l’exemple du bruitage, comme un artifice que le public apprécie particulièrement de découvrir.
Invité à Brouillage pour présenter Piletta Remix, une fiction sonore pour jeune public jouée en direct sur scène, le collectif Wow! donne à voir l’envers du décor d’une création radiophonique : « C’est une manière d’inviter le public dans le studio » reconnaît Florent Barat. Une invitation qui permet aussi de toucher un public plus habitué au spectacle vivant qu’à la fiction radio : « Jouer sur scène est un excellent prétexte pour faire écouter des choses au public. Et être programmé par un théâtre fait venir beaucoup de monde pour une fiction radio ». À travers la mise en scène, le collectif Wow ! souligne le dispositif radiophonique : acteurs / actrices et spectateurs / spectatrices sont muni·e·s de casques. L’éclairage discret du plateau et les faibles déplacements des comédien·ne·s devant les micros servent avant tout la mise en ondes. « La scène est peu éclairée pour recréér l’intimité de la radio. Je joue pour le micro, presque plus pour les auditeurs que pour le public présent dans la salle » explique Émilie Praneuf, qui incarne le personnage de Piletta. Dispositif éminemment radiophonique, les casques audio sont aussi un outil qui plonge le public dans une situation d’écoute.
« L’expérience au casque est totalement différente. Elle crée une bulle, on peut fermer les yeux et se laisser emporter. Tandis que lorsqu’il y a un système de sonorisation comme au théâtre, qui est d’ailleurs très compliqué à conjuguer avec la restitution d’une forme radiophonique en direct, on est facilement rattrapé par l’image scénique et les mouvements sur le plateau » reconnait Laure Egoroff. « Le casque resserre l’écoute, le public est toujours très attentif » confirme Florent Barat, « ça crée une sorte d’intimité collective, on est tous ensemble avec notre casque et parfois on n’entend pas les réactions de la salle, et c’est aussi le cas pour les spectateurs ». « Le casque rend le spectateur plus libre » ajoute Emilie Praneuf, « certains décident de l’enlever de temps en temps, et se rendent compte des différentes couches de la création, entre ce qui est réalisé en direct et ce qui peut être préenregistré ». Forme hybride, à la croisée entre de la radio à voir et de la performance à écouter, le collectif Wow! conçoit Piletta Remix comme une partition toujours en mouvement, modifiée et ajustée au fil des représentations.
L’ensemble des réflexions partagées par Florent Barat, Emilie Praneuf et Laure Egoroff sont à écouter dans l’émission spéciale Brouillage animée par Syntone sur Radio Campus Paris.