La Compagnie des Ondes ~ De la production sonore à une « vraie radio » : Radio Balises

Depuis une dizaine d’années, la Compagnie des Ondes fait émerger à Lorient une pratique de l’écoute et de la production de créations et de documentaires sonores, qui a débouché sur un média sans équivalent, un « fanzine sonore numérique » : Péristome. Alliée à d’autres acteurs culturels, la Compagnie œuvre à présent à faire renaître un projet radiophonique associatif sur la ville. Rencontre avec Damien Tillard et Isèle Vincent à propos de la pertinence, toujours aujourd’hui, de créer une radio locale sur la bande FM.

Séance d'écoute pour les Journées du patrimoine 2011, dans l'ancienne base des sous-marins de Lorient. Crédit photo : Gixu

Séance d’écoute pour les Journées du patrimoine 2011, dans l’ancienne base des sous-marins de Lorient. Photo : Gixu

Damien : Au départ, en 2007, il y a un projet étudiant, avec une grosse énergie qui démarre. Beaucoup d’étudiants, dont on fait partie Isèle et moi, se fédèrent autour de cette idée géniale : monter une radio campus. Il faut préciser que sur Lorient, en 2005, une radio locale meurt. Elle s’appelait M’Radio, elle était née au milieu des années 80 [sous le nom de Radio Méduse, NDLR], elle avait vécu ses belles heures, et puis ses moins belles heures au début des années 2000 avec des conflits de personnes qui font que le projet éclate. Donc derrière nous, il y a aussi des plus vieux qui voient d’un bon œil l’émergence d’un nouveau projet radiophonique. On crée la Compagnie des Ondes et on commence déjà à faire quelques émissions, dans l’espace public, en live…

Isèle : L’objectif est d’obtenir une fréquence et, en attendant, un site internet nous permet de diffuser les contenus sur des formats très « FM » : musicale, parole aux associations… des choses assez classiques.

Damien : Le pur souci est de reproduire un flux FM, mais sur le web.

Isèle : Ensuite, on fait une demande de fréquence auprès du CSA et on ne l’obtient pas. On continue donc en webradio.

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Séance d’écoute « Il va y avoir du sport » à la piscine de Bois du château à Lorient en 2012. Photo : Gixu

Damien : À cette époque, on est en contact avec le festival Longueur d’ondes dont le président, Laurent Le Gall, est enseignant à l’université de Lorient. C’est là qu’on découvre d’autres formats radiophoniques, le documentaire, la création sonore… et on revoit notre projet web en abandonnant le flux. Quelque chose d’hybride émerge puisqu’on continue de produire des émissions classiques, de 55 minutes, faites pour la FM – Quartier solidaire, Brouillon de culture, la Fabrique du poème… – et, à côté, on commence à approcher les formes courtes, documentaires.

Isèle : On commence même à ne plus parler de radio mais « d’association qui fait du son », on se définit comme « espace d’expériences sonores et radiophoniques ». L’idée est de suivre nos envies et celles des adhérents de l’association et de les accompagner dans la réalisation de documentaires ou de créations sonores. On prépare une programmation de séances d’écoute dans des lieux de Lorient. Notre réflexion se tourne de plus en plus vers comment on fabrique le son et comment on l’écoute. On décide alors de monter un nouveau projet qui s’appelle Péristome : un objet numérique, un fanzine sonore sur un site dédié.

Damien : Pour fabriquer Péristome, on propose à des initiés de la radio, mais aussi à des novices, de jouer autour d’un thème (« L’air populaire », « À la rigueur », « C’est le jeu », « Tout doit disparaître »), en leur proposant des solutions techniques. On n’est pas vraiment dans des formes d’atelier, mais dans l’accompagnement personnalisé, à chaque fois.

C’est de la balle de Yann Hascouët, issu de Péristome N°3 sur le thème « C’est le jeu »

Isèle : Depuis 4 ans, l’activité de la Compagnie n’était plus subventionnée, elle était soutenue uniquement par des bénévoles. Pour se retrouver dans ce qu’on aime faire, on avait décidé de se concentrer sur l’édition de Péristome et sur quelques ateliers pédagogiques. Cependant nous gardions en tête qu’il manquait à Lorient une radio locale.

Damien : On a rencontré d’autres personnes qui sont aussi sensibles au son et à la radio : An Orient Médias (web TV) et MAPL qui gère la salle de musiques actuelles de Lorient, et on a formé ensemble une nouvelle association : La Rade. On va puiser dans les goûts et les compétences de chaque asso pour construire Radio Balises : MAPL pour la programmation musicale, An Orient Médias pour l’information locale, la Compagnie des Ondes pour la création sonore et le documentaire. À la Compagnie, on est un peu « les jeunes » avec notre image de webradio. Les autres, autour de 40-50 ans, ont vécu le foisonnement des radios libres, et on partage tous une certaine culture et surtout le même territoire où l’on se croise souvent. Avec nous, il y a aussi 80 autres associations lorientaises qui ont écrit une lettre de soutien pour notre dossier au CSA, dont certaines souhaitent porter à l’antenne un projet d’émission.

Ultra Lucide a été réalisé par Damien Tillard pour Péristome N°1, « L’air Populaire »

Isèle : La Compagnie des Ondes a pris une grande part dans ce qu’on appelle le « comité éditorial » de Radio Balises qui a pour but d’accompagner les bénévoles dans la production d’émissions. Faire de la radio, ce n’est pas uniquement parler dans un micro et faire des private jokes, qui est parfois l’écueil des radios associatives. Nous avons une exigence.

Damien : … Pouvoir avoir des pratiques radiophoniques amateures, mais qui se font dans des conditions professionnelles.

Isèle : La Compagnie des Ondes souhaite aussi réaliser une émission dédiée à la création radiophonique. Et on espère qu’en diffusant des productions d’ici mais aussi d’ailleurs, on fasse venir des nouvelles personnes qui auraient l’envie de produire des créations sonores et que l’on pourrait accompagner.

Damien : Avant tout, ce sera un média local. Avec le web, on est un peu perdu avec cette idée de local, alors qu’avoir un rayonnement sur un territoire, cela permet aussi de fabriquer un objet commun. « Radio associative », ça parle aux gens. On a fait des réunions avec la Compagnie des Ondes autour de la création sonore et documentaire, on se retrouvait à 10-15 personnes. La semaine dernière, on fait une réunion d’information sur Radio Balises : on se retrouve avec 80 personnes dans la salle ! Alors… il y a moins de jeunes. Mais en-dehors de la technologie FM qui peut paraître un tantinet désuète, on se retrouve avec un objet commun dont les gens voient l’aspect collaboratif…

Isèle : … et qui leur appartient. Quand on en parle aux Lorientais, on entend : « Ah ! on va avoir une radio, à nous ». Ce sentiment d’appartenance n’est pas anodin, car la radio est un espace de parole qui était attendu.

Damien : On serait arrivé en disant « on va faire une webradio qui s’appellerait Webradio Lorient », on n’aurait pas eu le même impact.

Rendez-vous d’abord en novembre pour découvrir le N°4 de Péristome sur le thème « Tout doit disparaître », puis début janvier 2017 pour le lancement de Radio Balises sur le 99.8 MHz à Lorient !

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