Framework, l’enregistrement sonore en majesté

En mai 2002, Resonance FM commence à émettre sur les ondes londonniennes. Dirigée par des artistes, cette radio fait le pari de se consacrer entièrement à « l’art de l’écoute ». Un mois et demi plus tard, elle accueille sur sa grille un programme qui deviendra bientôt aussi connu que la radio elle-même, et que douze autres antennes rediffusent aujourd’hui dans des pays aussi variés que la Slovénie ou le Portugal, le Brésil ou la Belgique : Framework, une heure hebdomadaire de « field recording » animée par Patrick McGinley, initialement avec Joel Stern. Le « field recording », parfois appelé « phonographie », est l’art de l’enregistrement sonore – le son pour seul discours. Treize ans plus tard, fin février 2015, Framework a fêté sa 500e émission.

Au départ pressée d’expliquer toutes les beautés de la phonographie, comme Patrick McGinley s’en souvient avec humour, Framework s’est rapidement trouvée un style très spécifique, qui signe l’émission à quelque moment qu’on l’écoute : une introduction conçue chaque semaine par un⋅e artiste différent⋅e respectant des contraintes précises, de longues plages de son seul, peu de paroles, dont certaines reprises comme des rimes d’émission en émission, et une désannonce qui laisse filer longtemps la captation. Du temps, des silences, des bruits infimes, de grands contrastes, le tout dans un mixage soigné qui prend soin de ne jamais rompre l’immersion.

Financée par un appel aux dons permanent, dont une partie est reversée à Resonance FM, ainsi que par l’édition ponctuelle de CD (notamment à l’occasion de cette 500e), Framework a réussi à fédérer une belle communauté d’écoute et de composition. Sont programmées des pièces inédites ou non, envoyées de tous pays par des artistes, des (net)labels ou des projets collaboratifs de cartographie sonore, offrant un enthousiasmant paysage de la création contemporaine (et occasionnellement plus ancienne) dans le genre. On entendra des insectes ou des catastrophes, des sons inouïs qui n’auraient pas dépareillé dans notre dossier, de la psychogéographie et des villes, des travaux d’étudiants en sonologie ou des restitutions d’ateliers collectifs. La sélection est régulièrement conçue par un⋅e artiste invité⋅e, afin d’entendre d’autres manières d’aborder la phonographie et d’autres approches théoriques du sonore.

Une émission consacrée au field recording et à son usage dans la composition (a show consecrated to field-recording and its use in composition)

… annonce la phrase scandée à chaque début de programme par une voix différente avec son timbre, son accent, son rythme, sa diction et parfois sa langue propres. Chris Whitehead, contributeur régulier de Framework, en avait fait une belle analyse à l’occasion d’une recension pour le webzine The Field Reporter : « Les mots peuvent devenir de l’art sonore. (…) Le mot « consecrated » possède deux consonnes accentuées qui créent une rythmique semblable à celle d’une voiture qui passe sur des rails ou à un battement de cœur, particulièrement si on répète le mot de façon obsessionnelle jusqu’à ce qu’il perde tout sens. » Et de livrer en conclusion le secret de Framework, ce qui en rend l’écoute toujours passionnante : « Ce n’est pas une émission sur le field recording, c’est une composition de field recording en tant que telle. »

Open your ears and listen…

 

Framework #500! 2015.02.22 by Framework Radio on Mixcloud

1 Réaction

  • vincent folny dit :

    Framework est une emission essentielle qui n’a pas d’equivalent dans notre paysage. A l’heure de la gratuite plus ou moins choisie, elle invite l’auditeur a se poser les vraies questions sur l’ecologie et l’economie de son ecoute! Travail admirable!

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