Scudo, l’invention d’une radio

À l’écoute de la présentation de Scudo, l’invention d’une radio, on se demande ce que vient faire le Palais de Tokyo en Corse dans un studio de radio abandonné. Un brin soupçonneux, on s’attend à un énième délire d’artistes, et puis on se laisse très vite emporter dans un agréable et intéressant documentaire sur la radio en Corse entre la fin des années 70 et le début des années 80.

De cette période charnière où le monopole de l’État sur la radiodiffusion, de plus en plus contesté, laisse place à la libéralisation des ondes, nous sont relatées l’expérience de la pirate et écolo Radio Balbuzard, puis la construction d’une Maison de la Radio et de la Télévision ultra-moderne, que plusieurs plasticages feront finalement échouer.

En partie dévasté, le bâtiment est à l’abandon depuis 1980. C’est dans ses espaces acoustiques abîmés, baignés des paysages sonores environnants, que le collectif d’artistes nous amène lentement.

Et, justement, rectifions ce que nous avions commencé à dire : plus qu’un exposé sur la radio en Corse, Scudo est en réalité un documentaire sur un bâtiment dans son paysage. Cette Maison de la Radio, qui pourrait être bunker, discothèque, restaurant… qui sera peut-être musée… les auteurs entreprennent de la sonder en excitant ses volumes. Si leur motivation, non précisée, continuera de poser question, on peut souligner qu’ils agissent avec humilité. Installés dans le studio de radio mort-né, ils décident de produire du son in situ, à propos de l’histoire même du bâtiment. Des articles de journaux et des déclarations d’époque, lus par eux-mêmes dans l’acoustique du lieu, sont une manière intelligente de produire de l’archive vivante.

Par la suite, ils ne creuseront pas l’idée plus longuement, auront quand même recours à de “vraies” archives radiophoniques, puis continueront le montage en mêlant sans vergogne interviews en plein air, témoignages par téléphone, chansons, digressions… : il y a comme une part d’arbitraire dans les choix de réalisation qui nous laisse perplexe. On se demande pourquoi on nous parle en espagnol, pourquoi on nous chante en anglais, en allemand, que vient faire à maintes reprises le commentaire (en italien) du départ du Tour du France… Mais les chansonnettes au ton suranné auront sans doute contribué à faire résonner le bâtiment d’aujourd’hui dans son époque, les années 80. Ces tentatives de “performance” (dixit le résumé du programme) ont au moins pour effet de donner une présence à l’espace d’émission ~ au sens propre du mot ~ et il faut reconnaître qu’elles s’enchaînent de façon plaisante à l’oreille.

Comme l’enfant bercé dans son lit par les voix et les sons de l’autre côté de la cloison, on pardonne beaucoup à nos auteurs jusqu’au feu d’artifice final, pas si convenu, où l’on partage sans hésiter leur joie de fêtards ayant réanimé la maison fantôme de la radio corse. Un lieu qui nous apparaît, au bout du compte, encore plein de possibles.


Scudo, l’invention d’une radio
Collectif, sous la direction de Cécile Le Prado
Réalisation de Lionel Quentin
Atelier de création radiophonique du 25 janvier 2009

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