Mobile Radio est le projet radiophonique itinérant de Sarah Washington et Knut Aufermann, deux artistes à l’origine de la création de la station londonienne Resonance FM ou encore du réseau international Radia. Depuis 2005, ils passent le plus clair de leur temps sur les routes d’Europe à animer des ateliers de création, à participer à des radios éphémères ou encore, lorsqu’ils se produisent en concert, à tirer des sonorités bruitistes de mini-émetteurs FM et de divers appareils électroniques bidouillés. Pour une première, Mobile Radio a traversé l’Atlantique, invités par la biennale d’art contemporain de São Paulo à créer une station temporaire durant les trois mois de la manifestation, du 3 septembre au 9 décembre prochain. Bilan, à mi-course.
Je suis sûr que vous aviez plannifié beaucoup de choses avant de partir au Brésil, mais je suis aussi certain qu’il y a eu des surprises. Que s’est-il passé que vous n’attendiez pas ?
Pour commencer, nous avons rencontré énormément de gens qui voulaient faire de la radio. À notre conférence de présentation, il est venu une centaine de personnes, avec de l’énergie et de l’enthousiasme à revendre. Tout de suite, les gens nous ont informés que notre projet était hautement provocant, aussi bien artistiquement que politiquement – ce qui a nous a surpris. Bien sûr, créer et contrôler son propre média est quelque chose qui n’est pas anodin, mais ceci est tristement nécessaire ici, à bien des niveaux. La seule alternative pour la plupart des gens est de faire de la radio pirate et c’est risqué. La première question qu’on nous a posée, c’est : pourquoi faites-vous une radio pendant 14 semaines seulement ?! Du fait de tout cet intérêt, nous avons été capable de composer une belle équipe de producteurs de programmes, dont beaucoup désirent déjà poursuivre dans des projets de radio indépendante après cette expérience.
Le contexte à São Paulo doit être très différent de ce que vous avez déjà vécu en Europe, non ?
En plus de ce que j’expliquais avant, nous avons découvert que bosser avec les institutions au Brésil est plus difficile que dans aucun autre pays où nous avons déjà travaillé. La bureaucratie ici est terrifiante. Pour s’en sortir, les gens préfèrent souvent ignorer les réglements. Mais si vous avez besoin de quelque chose qui est très précautioneusement gardé par le gouvernement, comme une autorisation d’émettre par exemple, c’est carrément à vous faire perdre la foi. Obtenir le document nécessaire a été un véritable parcours du combattant, alors même que nous l’avions demandé plus d’un an auparavant. Suite à ça, nous avons décidé d’animer un atelier sur comment monter divers types de transmissions radio, afin d’aider le mieux que nous puissions des projets radiophoniques amateurs et essayer de développer l’art radiophonique grâce à l’expérience vécue dans d’autres pays.
L’autre différence est que notre projet est très profondément imbriqué dans le milieu de l’art contemporain. Nous avons été choqué de voir comment sont traités des artistes qui sont censés être au top niveau, comment leur travail est davantage considéré en fonction de tous les problèmes qu’il pose pour son organisation, plutôt que comme quelque chose qui doit être accompagné et présenté de la façon la plus judicieuse. Nous l’avons vécu et nous n’avons pas été les seuls dans ce cas. Cela a été un processus exténuant, je ne le souhaite à personne. Par chance, les amoureux de la radio que nous avons rencontrés ici ont fait plus que revernir toutes ces absurdités.
Vous vous trouvez à mi-chemin de votre marathon radiophonique. Que diriez-vous à quelqu’un qui n’a pas encore tendu l’oreille à “Mobile Radio BSP” ?
Que vous soyez nouvel auditeur ou pas, vous trouverez certainement quelque chose qui vous plaira. Et qui sait, vous serez peut-être même surpris. Nous avons commencé à archiver sur Soundcloud quelques-uns des concerts live et des créations radiophoniques qui ont été réalisées jusqu’ici. Par exemple, une série hebdomadaire de Renata Roman et Juliana Bernardo, Paisagens e Poéticas. Ou encore Pipa Musical, une émission régulière où lorsque que l’invité change, c’est la nature même de l’émission qui change drastiquement (ne parlant pas le Portugais, on rate un peu l’humour, mais il n’y a pas tant de tchatche de que ça). Et puis il y a Bruno Hiss, du label musical Alreves, qui est certainement un artiste à surveiller à l’avenir. Le concept de son émission est de faire une séance de respiration martiale intense pendant la moitié du temps, puis de coller des micros de contact à son cou, qu’il modifie via des effets de guitare. Il y a aussi le grand musicien novégien Børre Mølstad qui est venu avec son tuba pour se mesurer à l’acoustique du bâtiment de la Biennale [écoutez ci-dessous]. En ce moment, j’aime vraiment beaucoup ce que nos visiteurs estoniens sont en train de faire en résidence. Nous avons été assez chanceux de pouvoir inviter des artistes de pays où des fonds le permettaient. Ils s’appellent LokaalRaadio et vous pouvez capter leurs prochaines émissions, par exemple les 23, 24, 25 octobre à 17h, heure locale.