Il était une fois un pays où près de 600 des 775 radios émettant en FM étaient des radios différentes. Les “associatives” en France sont les “communautaires” d’ailleurs. Elles sont ces radios faites par des citoyens passionnés, engagés, motivés. Elles s’adressent à n’importe quel humain doué d’oreilles enclines à goûter une écoute différente en tous points : sujets et approches, forme et fond… Pourquoi donc les associatives doivent-elles se préoccuper de la diffusion numérique (alors qu’elles ont souvent bien d’autres soucis à régler et projets à mener au quotidien) ?
En ce début de semaine, la Confédération nationale des radios associatives (CNRA) a publié un communiqué réaffirmant son positionnement en faveur d’un “lancement immédiat de la Radio Numérique Terrestre (RNT)”. En mai dernier à Nantes, lors du congrès du Syndicat national des radios libres (SNRL), le Groupement des radios associatives de la métropole nantaise (Gram) était à l’origine de la première expérimentation concrète de radiodiffusion numérique terrestre multinorme. Qu’est-ce que les associatives ont donc bien à faire d’une réforme aux abords technicistes et aux conditions qu’on a dit au départ diligentées par les grands médias commerciaux ?
Le débat sur l’avenir numérique de la radio et sa déclinaison en France est éminemment politique. Le média n’a sûrement pas subi de telles tensions et enjeux depuis les folles années des radios pirates et le processus de régularisation qui en a suivi. Éléments cruciaux du paysage radiophonique français, les associatives ont également leur mot à dire quant à ce tournant numérique attendu.
Des radios de caractère inouï
Les radios associatives sont un acquis social. Comme toutes les radios privées, elles sont nées d’une lutte menée par ceux qui revendiquaient une nouvelle liberté de ton et de parole, que ne permettait pas la radio publique nationale.
Mais à la différence de leurs consœurs commerciales, les associatives sont restées attachées à la vocation d’un service échappant à la logique de marché. Elles revendiquent un pluralisme et une diversité qui n’ont pas forcément leur place sur des antennes installées dans un équilibre commercial. Cette volonté d’autonomie affirmée par rapport à la sphère marchande les insère cependant dans un système de dépendance envers les subventions qui les financent. La première d’entre elle est la subvention de fonctionnement versée par l’État via le Fonds de soutien à l’expression radiophonique (FSER), principale ressource de la plupart des radios associatives. Les recettes publicitaires dont elles peuvent bénéficier sont limitées à 20% de leur budget annuel. Pour le reste, il faut gratter ailleurs : collectivités locales, programmes d’échanges, emplois mutualisés…
Leur statut en droit français est la base juridique de leur spécificité. On reconnaît aux radios associatives un caractère différent, traduit par leur capacité à exercer une mission de “communication sociale de proximité” (selon la loi n° 2000-719 du 1er août 2000), qui revêt un caractère d’intérêt général indéniable. De ce statut, décrit sous la classification “radio de catégorie A”, les associatives peuvent donc revendiquer un droit à exister et avoir une place sur la bande FM.
Rester un média indispensable à l’ère du numérique
Le statut des associatives résulte de leur capacité à accomplir cette mission. On parle bien d’un média, soit d’un moyen de communication qui s’adresse à un public. Ici à des auditeurs. Le soutien aux associatives a un sens tant que celles-ci demeurent les opérateurs les plus à même d’exercer cette mission de communication sociale de proximité. Si le média perd cette occurrence avec un ensemble d’auditeurs, il perd son sens. Si leur audience se disloque trop, qu’auront-elles de plus à revendiquer qu’un blog ou qu’une webradio ? La dernière enquête sur les pratiques culturelles des français menée par le Ministère de la Culture le montre : la pratique d’écoute de la radio traditionnelle recule. Les générations les plus jeunes sont les plus touchées. Ces “digital natives”, nés dans un univers médiatique numérique et multimédia, n’ont plus le réflexe radio que pouvaient avoir leurs aînés. Cela ne sonne pas le glas de la radio, mais chamboule la conception traditionnelle qu’on en avait.
Le numérique terrestre, ce débat trop technique
Il faut concevoir l’écoute, et donc la diffusion autrement. La radio est un média maîtrisé, sa technique simple, pour l’émission comme la réception, a fait d’elle ce média populaire. La réaction des associatives par rapport au numérique est conditionné par cet état de fait. La RNT a fait peur, accueillie à grands cris comme une réforme de technocrates. Pourquoi changer un système qui marche et dont on comprend les rouages ?
C’est d’abord la norme choisie qui avait rafraîchi la bonne volonté des opérateurs. Sous la pression des grands groupes commerciaux, le gouvernement avait opté pour l’adoption du T-DMB. Cette norme venue de Corée du Sud est un standard audiovisuel conçu pour la télévision mobile. Les uns y avaient vu une opportunité de séduire davantage d’annonceurs si l’image pouvait être rajoutée aux encarts publicitaires diffusés. Cependant le choix d’une norme qui ne soit pas dédiée au média ostracise alors la France quand ses voisins européens se sont tous prononcés pour une norme DAB puis DAB+.
Aujourd’hui, les grands groupes de média qui avaient défendu cette norme ne voient plus l’urgence du numérique et font traîner l’évolution, tandis que les partisans de la RNT prennent unanimement position en faveur du DAB+.
La transition ne pourrait s’effectuer que si les associatives étaient aidées. L’investissement nécessaire à ce nouveau mode de diffusion ainsi que les années de transition où une double diffusion FM-RNT (“simulcast”) d’ores-et-déjà envisagée, représentent des coûts qui seraient fatales aux associatives si elles n’étaient pas soutenues financièrement.
Au-delà de cette préoccupation financière, certaines des radios associatives réunies dans le collectif Radios libres en lutte ne croient simplement pas en l’intérêt du numérique. Les apports du numérique ne sont à leurs yeux pas assez novateurs pour pousser les associatives à plébisciter ce changement. Dans ce mouvement qui réunit les plus engagées et les plus indépendantes des survivantes de 1981 (Fréquence Paris Plurielle, Radio Canut, Aligre Fm, Canal Sud…), on regrette le choix d’une technologie qui sans être révolutionnaire les dépossèderait d’un média dont les processus de production étaient simples et intégrés. On pense notamment ici aux multiplexages nécessaires avec les normes dérivées du DAB pour permettre la diffusion.
La récente expérimentation du Gram a prouvé la plausibilité d’une organisation entre associatives pour le financement et la gestion d’un multiplexeur, ce qui soulèverait une partie du problème, pour les urbaines tout au moins. Aujourd’hui, les radios du collectif se disent toujours en lutte bien que leurs actions se font plus rares vu le marasme qui entoure le passage à la RNT en France.
Il faut reconnaître que les atouts de la RNT ne sont pas les mêmes pour tous les opérateurs. La RNT permettrait un accroissement de l’offre dans les métropoles saturées.
Pour des associatives souvent titulaires de demi-fréquences (Néo à Paris, FMR à Toulouse), la RNT offrirait l’opportunité d’une intensification de l’activité vers du plein temps. Cependant, le système de multiplexage est inenvisageable dans les contrées rurales, au point que les partisans de la RNT prônent désormais un système multinorme, utilisant de manière complémentaire le DAB+ et le DRM+ pour une couverture totale du territoire.
La radiodiffusion numérique terrestre, défendue par le CSA et aujourd’hui la grande majorité des organisations de radios associatives, est un modèle tendant à préserver un système proche de l’actuel : des pratiques semblables tout en propulsant le média dans une qualité d’offre et d’écoute adaptée aux standards numériques. Elle permettrait de maintenir un système de régulation où les associatives bénéficient d’une place au soleil, bien qu’il n’y soit pas toujours à son zénith.
La RNT, un cadre de réflexion
Les farouches réactions qui se sont fait entendre autour du projet de déploiement de la RNT résultent surtout du fait que des considérations techniques, certes essentielles, ont pris le pas sur un questionnement plus profond quant à l’avenir du média. La radio numérique terrestre permet surtout de préserver un système et ses régulations : une diffusion hertzienne de programmes accessibles gratuitement, un CSA qui a la maîtrise des fréquences, et une pratique d’écoute via un procédé similaire aux transistors FM. Le système actuel qui permet ainsi une place pour les stations associatives et la légitimité de leur financement serait ainsi prolongé. Les autres évolutions possibles ne réunissent pas ces conditions.
Le développement anarchique des webradios nécessiterait une reconsidération du moyen de contrôle du CSA et conditionne également la pratique de l’écoute de média à l’abonnement à un service internet, contrairement à la RNT qui reste basée sur l’utilisation gratuite de ce bien public qu’est la ressource hertzienne. La radio IP, prônée par le président de Skyrock Pierre Bellanger, est un modèle basé sur le ciblage des auditeurs, ambition à vocation commerciale radicalement contraire à l’esprit des associatives. Le numérique satellitaire, modèle choisi aux États-Unis, implique également que l’auditeur soit abonné. Quant aux offres radios des opérateurs de téléphonie mobile, elles sont considérées comme la plus grande menace au média. Le développement d’une écoute de la radio via les téléphones mobiles doterait les opérateurs d’un pouvoir de décision quant à l’offre proposée, se substituant ainsi au CSA dans son rôle régulateur.
On imagine peu de radios non commerciales réussir à s’immiscer dans un tel système.
Les modèles numériques proposés sont nombreux. Ils sont potentiellement compatibles, ainsi que l’avance le CNRA dans le communiqué évoqué précédemment. Du point de vue des associatives cependant, seule la RNT peut prétendre permettre une subsistance de leur situation. Aux radios, et aux associatives notamment, de se saisir de cet enjeu d’évolution technologique et de repositionnement du média pour développer une nouvelle forme de radio. Une réflexion sur le statut de média associatif local est cruciale. Les associatives ont cette chance de pouvoir bénéficier d’un ancrage local fort, toutes insérées qu’elles sont au sein de tissus associatifs et socio-culturels. La FM n’est à moyen terme pas directement menacée d’extinction. Ceux qui ont la chance d’y avoir une fréquence sont ceux qui doivent réfléchir à comment occuper cette place aujourd’hui pour que leur présence ait encore un sens demain.
… un article de fond, complet, bien rédigé, avec une touche de funky… bravo !
esmé.
je me excuse de mon mauvais francais.
je me questionne, quand meme, de la necessite de la radio numerique por oposition au FM. je crois que jusque le augmentation de radios disponibles sur le apparelleil le peut justifier. parce que, pour la RN tout le gens ont a acheter un nouvelle appareil de ecout. et alors, je crois que ces’t une bonne ocasion que va faire plutot de gens silencier son radio…
@esméralda : Merci M. Fm43. Venant d’un professionnel, c’est d’autant plus plaisant !
@Ricardo Réis : Votre remarque est très pertinente en ce que c’est la capacité à mettre en valeur les atouts du numérique qui permettra de faire adopter cette déclinaison du média par les audtieurs pour, peut-être, donner un nouveau souffle à l’écoute. L’augmentation de l’offre est l’un de ces avantages. Il faut aussi compter sur la baisse de prix progressive des nouveaux transistors, comme tout nouveau matériel passé une phase de transition, qui permettront d’en faire un équipement abordable et qui puisse ainsi devenir populaire…
Ill a quelque chose d’outre qui je me ai rapelle… avec le FM on peut prende le meme dispositive et ecouter, avec aucoune problem se on se degage sur France, la Russie, sur les US, Bresil, UK… avec le numerique, a cause de la variete de standards, ces’t pas vraie. Et, comme meme, la Europe unie se va trouver partage pour la adoption de formats diferents sur chaque pais..
Pour la adoption je crois, et le idee nest pas moi, que les industrials de les auto sont de plus importants vecteures por le sucess de tout ça.
Mas, je repite, personallemente, avec le accroitment de la disponibilite WiFi une peu par tout et avec le mobile network sur GSM… fait ill sens de depenser outant d’argent por aller sur le DAB ou DRM?
une fois encore, excuse mon mauvais français.
les radios associatives que je connais ont très peu voire pas du tout de subventions et sont donc surtout très inquiètes du coût du passage au numérique.
Cela concerne à la fois le changement du matériel dans la station et le prix plus élevé actuellement en numérique des prestataires qui fournissent l’émetteur