De la Journée de la Création Radiophonique du 4 juin 2011, visible et médiatisée dans un enthousiasme consensuel (Télérama, Les Inrocks… et même France Culture), nous ne pouvons honnêtement rien dire de la programmation en elle-même. Il était en effet impossible de rester à l’écoute vingt-quatre heures durant.
Et si, dans ce que nous avons capté, tout ne nous a pas plu, c’est donc qu’il y en avait pour tous les goûts. De fait, l’un des objectifs de l’équipe programmatrice ~ embrasser un panorama de la création radiophonique actuelle ~ fut atteint avec succès. Mais la question qui nous vient tout de suite après est donc : comment cela a-t-il été donné à entendre ? Y a-t-il eu une écriture radiophonique pour guider l’auditeur tout au long de cette centaine d’œuvres ? Littéralement, ce fut une journée (faite) de création(s) radiophonique(s), mais fut-ce pour autant… de la radio ?
Certes, la question est un peu outrancière ! Loin de nous l’idée de fustiger l’habileté en ce domaine dont ont fait preuve pour chacune de leurs pièces nombre des artistes programmés. Mais ce n’est pas chercher la petite bête que de s’intéresser à cette chose qu’on appelle mise en ondes même si, à première vue, elle peut paraître secondaire au regard de l’autre objectif affiché des programmatrices : promouvoir la création issue des artistes indépendants et des radios associatives. Le pari de cette Journée aurait dû être, justement, de réussir à susciter l’écoute d’une riche et dense playlist.
Mais de quoi parlons-nous exactement ? Rappelons donc qu’entre les œuvres programmées étaient insérés des jingles ressassant, comme c’est leur rôle, l’identité du Radiophonic Creation Day (souvent revenaient les mêmes), ainsi qu’une très brève présentation de la pièce à suivre : nom de l’artiste, pays d’origine, titre de l’œuvre (avec des erreurs comme “Francisco López, UK” au lieu d’Espagne, ou encore “Sol Rezza, España” au lieu d’Argentine). Alors, minimum syndical ou parti-pris radical ?
Comment promouvoir la création radiophonique, notamment envers des nouveaux publics que l’on espère toucher ? On peut décider d’accompagner l’auditeur, le prendre par la main (ou le mener par le bout du nez ~ pas de didactisme à tout prix) en lui donnant quelques clés, quelques repères… ou on peut, au contraire, préférer la politique abrupte “à prendre ou à laisser” comme c’était le cas ici. Quand le logiciel de programmation tourne en roue libre avec sonals et annonces pré-enregistrés, le flux radiophonique devient une voix sur rails, la grille un carcan qui rend la respiration difficile.
Aurait-il été impossible d’écouter durant vingt-quatre heures s’il n’avait pas manqué, du côté de l’émetteur, le désir du possible ? Pourquoi me sentirai-je concerné par une radio automatisée ? L’absence de direct est sans nul doute un aspect pratique qui techniquement facilite la transmission aux nombreuses radios partenaires et permet d’aller boire des verres après avoir lancé la machine. Rêvons à un direct, un relais humain à l’animation, comme évidence que quelque chose vit et se vit de part et d’autre du poste. Car une playlist, aussi intelligemment pensée soit-elle, n’est de la radio que potentiellement.
Belle analyse, j’ai aussi eu l’impression de quelque chose de non incarné, malgré la diversité des propositions.
D’autre part, dans la diffusion non stop on peut atteindre un point de saturation, peut être la musique sert-elle aussi à diffuser un autre langage sonore qui n’atteind pas les mêmes régions du cerveau, laissant se reposer certaines!!
J’ai aussi été frustrée du manque de contextualisation, de situation des objets sonores. Il y a bien sur le site mais à 6h du matin quand on ne dort pas on n’a pas forcément envie d’ouvrir son ordi…
Tout de même le seul fait de pouvoir écouter des créations sonores ou des enregistrements venus de loin à toute heure m’a enchantée!
Je partage l’ensemble de ces critiques. Personnellement, au delà du manque de contextualisation, je regrette que la pièce « Stromboli, un volcan sur la mer » fut programmé in extremis vers 23h30 et sans mention de celle-ci sur le site des organisateurs. Vu la durée du programme -un peu plus de 40 minutes- il était évident que celle-ci allait être amputée de 7 minutes. Pourquoi dès lors faire ce choix? Est-ce cela « promouvoir la création issue des artistes indépendants »? la faute à l’Homme? ou à la machine?
Pour les frustrés de l’écoute, sachez que Stromboli, un volcan sur la mer s’écoute sans coupure sur Silence Radio (et que l’on peut en lire la chronique sur Syntone ;)
cool, merci pour cet article.
Salut a tous !
Merci pour toutes ses questions qui se soulèvent grâce à cet article. Nous avons besoin aussi de toutes ces critiques pour avancer et faire encore mieux en 2013. Il y a effectivement eu quelques
ratés mais sachez que dernière cet avènement nous ne sommes que 2. Nous avons contruit cet évènement sur note (peu) de temps libre et avec très peu de moyens et je dois même dire que depuis 4 mois nous y avons même passé nos nuits. Donc des longeurs répétitions et erreures ne sont ni dues à un parti prit radical et encore moins à un minimum syndical mais surtout à un manque de someil et de moyen humains.
Pour répondre à Lucie, je suis quand même un peu fière du mot « désincarné » que vous utilisez, qui n’est pas sans rappelé le « disembodied » de Gregory Whitehead. Et pour répondre à Irvic : mille excuses pour l’amputation qui est due au code de programmation (machine) et la mention qui a effectivement été oubliée (humain).
Enfin, j’aimerai finir par dire que ça fait vraiment plaisir de voir que vous avons été écouté attentivement. Et que si vous souhaitez oeuvrer avec nous à améliorer ce projet qui je pense est une formidable plateforme pour les artistes sonores, toute aide sera la bienvenue !
Coraline (Radiophonic Creation Day)
Merci, Coraline, d’avoir pris le temps de lire et de nous offrir cette réponse positive. Il est vraiment à souligner que cette Journée a été possible sans financement ni sponsoring.
Bonjour,
Je fais (un peu) mienne la question d’Etienne: mais fut-ce pour autant de la radio?
Peut-être pas, mais ai-je cependant éprouvé quelque plaisir à l’écoute de plages durant cette journée? La réponse est oui et en ce sens si ce n’est pas de la radio c’est tout de même de l’ordre de la réussite.
En un sens, lorsque mes amis et moi-même alimentons un audioblog collectif tel que « Vues_Lumière » sur la plateforme d’arteradio, nous sommes parfaitement conscients que ce n’est pas de la radio mais pour autant faut-il ne rien tenter? Je pense à ce propos que l’amateurisme doit (devrait) garder sa touche particulière faite d’approximations et d’imperfections plutôt que de tenter vainement de faire « comme les grands ».Il n’en reste pas moins que sur le contenu de cette journée il y a de belles contributions (Anne Laplantine, Chloé Sanchez, Jean-Guy Coulange etc….) et donc revenez svp et resservez-nous quelques échos sonores du monde.
Tiens ça aussi c’est plutôt bien d’exploser les frontières de la francophonie! :-)
Merci en tout cas à Etienne pour cet article qui reste très mesuré et néanmoins critique.
Bonsoir Jacques et merci de ta réaction. J’aimerais t’assurer que pour moi professionnalisme et amateurisme ne s’opposent que dans de faux débats et, en vérité, ce ne sont absolument pas des notions qui me sont venues à propos de ce qui nous occupe aujourd’hui.
Je n’ai pas une haute idée de ce que serait de la bonne ou de la vraie radio, une radio “comme les grands” telle que tu nous la représentes. À Syntone la radio est notre objet d’étude. Aussi nous analysons tout ce qui nous tombe dans le creux de l’oreille sous cet angle. Nous ne nous posons pas systématiquement la question de ce qui est de la radio et ce qui n’en est pas, mais comment telle ou telle expérience (radiophonique, sonore, musicale, artistique, médiatique, scientifique…) nourrit l’art de la radio.
E. N.