Côté événementiel, cela se passera au Palais de Tokyo à Paris les 6, 7 et 8 septembre prochains. La chaîne culturelle française prévoit trois jours de directs et de rencontres pour fêter son cinquantenaire autour du slogan-anagramme “lancer ce futur” décidé par son directeur, Olivier Poivre d’Arvor.
À la lecture du programme complet de la manifestation, on peut noter que chaque département de la chaîne s’y met en scène avec ses spécificités. Du côté de la fiction, par exemple, le réalisateur Alexandre Plank propose aux visiteurs d’enregistrer, bruiter, mettre en musique et en ondes un texte de leur choix – poésie, théâtre, extrait de roman ou recettes de cuisine, qui seront diffusés dans la foulée.
Du côté du documentaire et de la création radiophonique, l’unité coordonnée par Irène Omélianenko, cinquante documentaires (un par année) seront donnés à entendre au casque grâce à la Scam, ainsi que des fragments d’œuvres contemporaines employant le multicanal (par Floy Krouchi, Pierre Jodlowski et Arnaud Contreras) en collaboration avec la direction des Nouveaux médias.
Sont également programmées des rencontres transdisciplinaires avec des documentaristes de radio, cinéma ou photographie. On remarque en outre une carte blanche donnée à l’association Longueur d’ondes, organisatrice du festival éponyme à Brest.
Enfin, seront diffusées en direct plusieurs émissions comme Une vie, une oeuvre, Villes-Mondes, les Pieds sur terre ou encorel’Atelier du son de Thomas Baumgartner : “Pour les 50 ans, nous nous saisissons du thème du futur en tentant une ‘radio no future’” commente le producteur de l’Atelier du son qui souhaite démarrer sa nouvelle saison en changeant légèrement l’écriture de l’émission. “J’aimerais aller vers quelque chose de plus libre dans la forme, moins d’émissions monographiques” poursuit Thomas Baumgartner qui, pour cette première en direct, a convié à sa table le poète Charles Pennequin et les compositeurs Eric Cordier et Pali Meursault (par ailleurs collaborateur de Syntone). Charles Pennequin performera comme on pousse la chansonnette “et il viendra parler du travail qu’il fait en ce moment avec le CNES (le centre national d’études spatiales), notamment sur l’exobiologie. Il sera donc question d’extraterrestres !”
Pour Irène Omélianenko, conseillère aux programmes pour le documentaire et la création radiophonique, les 50 ans de France Culture sont également une occasion à ne pas rater pour constituer une mémoire vive de la chaîne. Ainsi, dans la semaine qui précède, l’émission Sur les docks se consacre à des jalons importants de l’histoire de Culture. Lundi 2 septembre à 17h, Christophe Deleu et François Teste dressent le portrait du réalisateur René Jentet, un auteur méconnu quoiqu’un des rares véritables poètes radiophoniques. “Nous avons le point commun, Christophe Deleu et moi, d’avoir le souci du patrimoine radiophonique” explique Irène Omélianenko. “Nous côtoyant également dans le cadre de l’association Addor, nous souhaitions réaliser des entretiens avec de grandes figures de la radio. Une première courte liste incluait René Jentet, dont nous ne savions pas s’il vivait en France ou non. Grâce à la Scam, Christophe a obtenu ses coordonnées et nous sommes aussitôt allés lui rendre visite : l’évidence d’un documentaire était là – l’urgence aussi, car René Jentet souffrait déjà terriblement et sa femme mesurait avec une grande lucidité que le temps était compté.” Un pressentiment qui se révèla malheureusement juste car Jentet décédait le 23 juillet 2013, soit quelques semaines après la réalisation du documentaire. On peut lire à ce sujet le billet de Marc Jacquin sur le blog de Phonurgia Nova.
Irène Omélianenko poursuit la genèse de cette rétrospective : “En parallèle ou presque à notre première initiative, nous déménagions du sixième étage de la Maison de la radio que le président Jean-Luc Hees destine maintenant à France Inter, et c’était comme si nous quittions notre pays natal. Christine Goémé, rejointe ensuite par Diphy Mariani à la réalisation, m’a proposé d’enregistrer sur le vif émotions et mémoire” : Souvenirs du sixième étage sera diffusé le jeudi 5 septembre. “Déjà riche de ces deux éléments, j’ai réfléchi à cette incapacité de la radio à écrire son histoire. Bien sûr, j’ai relu récemment des ouvrages sur Jean Tardieu [NDLR : écouter aussi la Mythologie de poche…], il existe aussi quelques documents sur José Pivin, Louis-René des Forêts, Alain Trutat, etc. Mais globalement, nous continuons à ne pas plonger dans notre patrimoine. Il y a aujourd’hui deux territoires emblématiques de France Culture : Les Nuits Magnétiques et Le Pays d’ici, avec des producteurs et témoins encore dans la force de l’âge et du rêve. Avec le merveilleux alibi des 50 ans de France Culture et l’approbation d’Alain Veinstein et Laurence Bloch [NDLR : qui furent à l’origine de ces émissions], j’ai passé commande de deux documentaires. Christophe Deleu et Anna Szmuc, tous deux anciens des Nuits Magnétiques, ont réalisé le premier (Nuits magnétiques, bonsoir, diffusé le mardi 3 septembre) et l’historien du cinéma Alexandre Tilsky a réalisé avec François Teste le second (Le Pays d’ici, une aventure radiophonique, programmé le mercredi 4 septembre) – alliance d’un œil neuf et d’une oreille experte pour cette plongée dans les ondes d’une époque. Conscients de graver aussi de véritables documents, nous avons fait le choix de proposer sur le site les entretiens dans leur intégralité.”
Il faut reconnaître qu’il est très rare qu’une chaîne de radio se penche sur son passé. Mais plus encore, choisir les Nuits magnétiques et Le pays d’ici pour sujets peut paraître une entreprise osée. Pour beaucoup d’auditeurs de l’époque, ces deux émissions offrent le souvenir d’un certain âge d’or de la chaîne. Elles constituent des références quasi indépassables en matière de “bonne radio”. Certaines personnes rencontrées aujourd’hui regrettent encore leur disparition. On entend même parfois qu’il n’y aurait pas eu d’aussi bonnes émissions depuis sur Culture. Quels enseignements pouvons-nous alors tirer de cette histoire ? “Je crois que les réactions des auditrices et auditeurs nous délivreront ces enseignements” poursuit Irène Omélianenko. “De mon coté, je suis violemment émue à la pensée que nous aurions pu “manquer René Jentet” et persuadée que ce travail radiophonique est essentiel. Je ne minimise pas le risque de s’attaquer à ces deux monuments que sont les Nuits magnétiques et Le Pays d’ici, et il est certain que ce n’est qu’une première étape forcément partielle et partiale. Je ne pense pas que le mythe soit entamé et, bien au contraire, entendre ces témoignages ne peut que pousser à inventer de nouvelles formes aujourd’hui.”
• À suivre et à noter également qu’un Atelier de la création de Marie Guérin et Gilles Davidas sera diffusé le mercredi 11 septembre à 23h : Partition pour maison ronde proposera de prendre le son pour guide dans la Maison de la Radio,“cet espace sonore et sonnant qui fête ses cinquante ans en 2013.”