« Divercity » : les Voix de New York

Chaque dimanche à 17h, DivercityNYC poste sur le web quatre minutes de conversations volées dans les rues de New York. Entretien avec Nicholas, monteur son pour la télévision et initiateur du projet.

(cc) Jens Schott Knudsen - flickr

(cc) Jens Schott Knudsen – flickr

Pour quelles raisons avez-vous commencé à pratiquer ces enregistrements ?

Il y a quelques années, quand j’ai déménagé de Los Angeles à New York, j’ai été immédiatement frappé par toute cette émotion présente dans la rue. À Los Angeles, ce qui se passe habituellement dans les voitures (des couples qui s’engueulent, des gens qui chantent, qui discutent…) se retrouve ici à l’extérieur, directement accessible. New York est une ville où la population est très hétéroclite. Comparativement, Los Angeles possède aussi une certaine diversité, mais la ségrégation y est très présente.

À New York, il y a tout le temps quelque chose qui attire ton attention. C’est un truc que j’ai appris à aimer. New York est une ville qui te stimule dès la seconde où tu sors de chez toi. Je crois que beaucoup de gens apprennent à en faire abstraction. Moi, j’essaie de faire le contraire.

Comment enregistrez-vous ces voix des rues de New York ?

Je n’ai pas bougé le micro depuis que je l’ai installé. Il est toujours à l’extérieur de la même fenêtre qui donne sur la rue. C’est pour ça, je pense, que les résultats sont si intéressants. Il y a tant de personnes qui s’expriment de manières différentes alors qu’elles se croisent sur le même petit bout de trottoir. Si j’enregistrais uniquement les vendredis ou les samedis soirs, je n’aurais pas appelé le projet « DivercityNYC », je l’aurais appelé « DrunkLoudObnoxiousNYC » (le New-York-saoûl-bruyant-et-prétentieux). J’enregistre toute la journée et tous les jours. C’est le seul moyen de capturer cette diversité.

Comme j’utilise un micro cravate omnidirectionnel, le mixage est plus difficile car j’enregistre beaucoup de bruit de la ville. J’utilise un filtre Waves afin de faire ressortir les dialogues autant que possible. C’est ce qui explique la réverbération que l’on entend. Ça rajoute un aspect aérien quelque peu surréel que j’apprécie.

Selon quels critères sélectionnez-vous les sons ?

Premièrement, je me demande si l’auditeur moyen comprend ce qui est dit. Il faut que le son soit évident. Notamment parce que la situation d’enregistrement n’est pas parfaite : il y a une distance d’un mètre quatre-vingts entre ma fenêtre et le trottoir, les personnes que j’enregistre doivent parler relativement fort. Et il y a aussi le bruit des voitures qui cache parfois les conversations. Dans ma vie professionnelle, je travaille avec le son, j’ai peut être une oreille un peu plus affûtée que la moyenne. Alors je fais écouter certains montages à des amis afin de vérifier si tout est bien compréhensible et j’ajuste le montage en conséquence.

Deuxième critère : est ce que c’est intéressant ? Je peux garder une phrase des plus banales comme « on se retrouve à 10h » ou quelque chose de spécifique à New York, une émotion brute, une langue que je ne comprends pas, une bribe de conseil, un petit bout d’une histoire sorti de son contexte qui laisse l’auditeur imaginer la situation…

Enfin, je me demande si ces extraits sonores ont leur place dans le montage que je suis entrain de travailler. Mes sélections ne sont pas aléatoires. J’essaye de correspondre au nom DivercityNYC en choisissant un large éventail au niveau des émotions, des âges, du caractère ethnique ou de la classe sociale des sons captés, pour représenter la diversité sonore de cette grande ville qu’est New York.

Mais ces trois critères n’apparaissent pas aussi souvent qu’on pourrait le penser. C’est pour ça que j’enregistre constamment. Je compare ça à la pêche. Tu lances ta ligne, puis tu attends. Parfois ça mord, mais c’est juste un petit poisson que tu relâches, d’autres fois c’est beaucoup plus intéressant !

  • Écoutez les voix et les sons de New York sur DivercityNYC
  • L’ambiance sonore de la ville de New York a fait l’objet d’un intéressant projet web par le New York Times. Finding the Quiet City est une carte interactive qui recense les lieux préservés de la pollution sonore. Une carte collaborative enrichie par l’expérience des lecteurs.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.