Discuts a bientôt 3 ans et déjà 12 numéros. Discuts, ça cause beaucoup de gadgets audio et de notre vie avec. Discuts, c’est d’ailleurs un mag avec gadget. Sous-titré « Magazine des manipulations sonores », il promeut l’art du détournement et de la réappropriation publique du son. Tout cela exclusivement sur papier et avec beaucoup d’idée.
J’ai simplement créé le magazine que j’avais envie de lire.
Comme souvent les plus nobles projets, Discuts part d’un désir simple, celui de son créateur, Alexis Malbert alias Tapetronic, artiste-musicien, recycleur et triturateur de machines bruitogènes, à base de cassettes principalement – d’où le pseudo. En toute modestie, Discuts explore l’ « archéologie des médias » : le tourne-disque, la bande magnétique, la radio, le mp3, les phénomènes paranormaux électromagnétiques… bref, tout l’arsenal passé, présent et futur de nos écoutes électrifiées. Dénuée d’enjeu commercial ou politique autre que la politique de l’offre, Discuts est une proposition généreuse et pleine d’humour, née d’une passion et de l’envie de la partager.
Au printemps 2011, les premiers numéros sont lancés gratuitement et envoyés à la demande. À l’époque, un encart publicitaire est proposé, mais peu à peu abandonné : « Ce n’est pas assez mon métier que de chercher des annonceurs et c’était compliqué à gérer » explique Alexis Malbert. Un abonnement optionnel est alors proposé pour un prix modique. C’est une formule à laquelle adhère actuellement une centaine de personnes, ce qui suffit à couvrir les frais de fabrication et une partie de la documentation. « Je suis un collectionneur, j’accumule énormément d’objets et de bouquins. Je prends tout le temps des notes, j’anticipe à peu près quatre numéros à l’avance et lorsque je tiens un sujet, je complète par la recherche d’infos spécifiques – et même d’objets, car je tiens à les photographier moi-même pour illustrer le magazine. »
Pour son créateur, Discuts se devait d’être un objet papier, et pas numérique. « Je ne suis pas ou pas seulement journaliste. Dans ma pratique musicale, j’invente des objets – d’où aussi l’idée d’ajouter un gadget à Discuts. » Page pour scratcher, lunettes « rec & play », bouchons d’oreilles d’expression… Aussi bien vu que foncièrement inutile, le gadget est la petite touche en plus depuis quelques numéros. Graphiquement, le magazine est tout aussi bien réalisé, sobre, mais régulièrement hacké, comme pour le dernier numéro spécial Japon où le sens de lecture est inversé. « De nos jours, on est sommé de remplacer une technologie par une autre. Moi, j’essaie de faire des choses nouvelles en recyclant. Je préfère aller au bout d’un média, le questionner en le plaçant dans un contexte différent. » D’où ce côté qu’on pourrait qualifier de « manifeste » en faveur du papier et du fait-main. En ce sens, quand Discuts avait sollicité Syntone pour écrire dans son numéro sur la radio, on avait eu l’idée de parler de Tetsuo Kogawa et de ses « manipulations » (au sens littéral du terme) d’ondes radio.
À côté de cela, Alexis Malbert entretient quand même un blog, sorte de bric-à-brac parallèle, auquel s’ajoute Archéotronics, une sorte d’émission de radio (à sa connaissance diffusée par aucune radio – nous lançons un appel !), grand mix potache inspiré de près ou de loin par le Discuts en cours. À la demande de Radio Campus Paris, Alexis prépare une création plus élaborée sur le mode des « manipulations radiophoniques » qui sera diffusée à l’occasion du festival Brouillage en avril prochain. L’appareil à voix de canard fera partie de la panoplie.
Sur quatre feuillets seulement, Discuts a ce côté profus et frustrant qui entretient le désir : désir de savoir, désir d’entendre… Bref, Discuts nous ravit !
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