Brève d’auditeur : Hack ! la radio ? Pour un piratage sonore et urbain

Après la première expérience radiophonique #nuitsujet (cf. notre brève d’auditeur dans Syntone), Radio Nova et le site d’information spécialisé sur les questions numériques Owni ont remis le couvert pour une nouvelle hybridation web et radio le 30 mai dernier. Le mot d’ordre, Hack! (qui signifie en anglais “tailler, couper”, fait référence à la manipulation d’un système et son possible détournement) a donné le ton à cette nuit pensée comme un “big foutoir numérique et radiophonique sur la mise en réseau du monde”. Grand lecteur d’Owni, j’étais à l’écoute de ces six heures de programme, orchestrées par Julien Goetz et Mathilde Serrel et diffusées à la fois sur Radio Nova et sur internet à travers, comme pour la première édition, une web-application bien léchée développée par Owni et illustrée par Loguy.

Les heures défilent selon différentes thématiques (Les pirates d’aujourd’hui, Piraterie et politique, Economie et piraterie…), les chroniqueurs s’enchaînent dans les studios pour discuter du hacking et de la place des pirates dans la société. L’interaction avec les auditeurs-internautes fut améliorée avec Romain Saillet qui faisait le lien entre le studio et l’activité sur le réseau : comme pour la première édition de la #nuitsujet, il était possible de poser des questions aux chroniqueurs et d’apporter plus d’informations sur les sujets abordés. Le temps a cependant restreint de nombreuses interventions et le programme de cette nuit, peut être un peu trop chargé, a empêché certains chroniqueurs d’exposer plus longuement leurs positions ou de permettre l’échange avec les auditeurs qui réagissaient sur le web.

Travail intéressant sur la forme, une compilation d’extraits des chroniques et d’interventions de l’heure précédente était diffusée afin de clôturer chaque thématique et rythmer l’émission en invitant l’auditeur à poursuivre l’écoute. De fausses publicités ont également été réalisées pour l’occasion rappelant ce qu’avaient fait Fred Tousch et Diane Bonnot pour le “Salon de la femme” en mars dernier. Cependant, la publicité (réelle cette fois) demeurait trop présente sur les ondes de Nova pour cette nuit spécialement consacrée au hacking et à la piraterie.

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(cc) Par le dessinateur T0ad pour la #nuitsujet HACK ! d’Owni
et Radio Nova, Ownipics sur flickr

Question d’écoute

La #nuitsujet est sans aucun doute une expérience radiophonique. Il est plaisant de ressentir l’effervescence dans les studios, d’entendre que l’on se presse, se croise, s’enchaîne pendant ces six heures de direct. Le rythme est intense, parfois un peu trop, et l’écoute peut être vite perturbée par la somme d’informations intéressantes qui convergent sur la web-application en complément de ce qui est dit à l’antenne. Mais tout cela reste disponible et peut se lire dans un second temps, distinct de l’écoute si on la pense attentive. Cette nuit est disponible en podcast sur le site de Nova (lire aussi le compte-rendu d’Owni). Mais combien de personnes iront-elles l’écouter après coup ? Notre écoute n’est certainement pas la même lorsque l’on sait que l’euphorie que l’on entend est vécue en direct depuis les studios. Owni développe actuellement une interface de replay enrichie qui sera censée permettre un nouveau type d’écoute de podcast. La #nuitsujet est-elle parmi ces nouvelles formes radiophoniques à l’ère du 2.0 ? Une expérience véritablement “post-média” comme la présente Nova ? Ce ne sont peut-être que des termes actuellement à la mode qui n’ont pas vraiment de sens clairement défini mais qui ouvrent la réflexion sur notre rapport à l’écoute. La radio, tout comme le web, reste un média. De la radio augmentée oui, mais pourquoi parler de post-média ?

Radio et hacking sonore

Le hacking fut abordé dans un sens large tout au long de ces six heures : piratage informatique, monnaies, brevets scientifiques, droit d’auteur, bio-hacking, street art… autant de sujets qui convergent vers une définition du hacking comme bidouillage, détournement, réappropriation, qui stimulent la création. Un regret : paradoxalement, je n’ai entendu que trop peu parler des pirates de la radio. Ni du potentiel de ce média quant à la diffusion de l’information et aux formes hybrides auxquelles il pourrait donner naissance. Mais s’il est question de bidouillage et de détournement, la place de la radio ne doit pas se limiter à l’histoire des radios pirates. Comment la radio peut-elle détourner, être “pirate” aujourd’hui, 30 ans après la légalisation des radios libres ? Plus largement, de quelle manière le sonore peut-il pirater l’espace de la ville ?

Le film suédois Sound of Noise réalisé par Ola Simonsson et Johannes Stjärne Nilsson nous donne à voir ce que pourrait être un véritable hacking sonore urbain par une bande de six percussionnistes. Pensons aux soundwalks ou balades sonores qui proposent une autre approche de l’espace à travers l’écoute. Ces créations se développent en France (notamment avec Territoires sonores et ses ateliers de baladocréation, à Marseille Radio Grenouille développe également un projet de soundwalks pour l’année 2013) tout comme outre-Atlantique (à écouter, la très intéressante promenade audio Hearing There de David Drury à Montréal ou Mutations, parcours sonore d’Antoine Bédard sur les rapports entre musique et architecture). Aux États-Unis, le projet Urban Remix du Georgia Institute of Technology d’Atlanta invite à collecter des sons dans la ville pour ensuite les remixer librement, et incite à détourner et créer une autre manière d’entendre la ville et de la parcourir. En France, la webradio Radiolab a également comme projet de réaliser des créations sonores en rapport avec l’espace urbain. Il est possible de coller ou de graffer des codes QR (petits codes barres pouvant être créés librement) dans un lieu particulier de la ville, qui, une fois lu par un téléphone mobile renvoient le passant curieux à une création sonore correspondante. Une piste de plus pour permettre aux artistes du son de s’inscrire dans l’espace public.

C’est dans ces possibles détournements que réside l’aspect passionnant du son et son immense potentiel subversif et créatif qui nous donne à imaginer la radio de demain. Une dimension qui pourrait être davantage prise en compte par Owni qui s’intéresse à l’espace urbain et à notre rapport à la ville (à lire les articles de Philippe Gargov et NicolasNova, notamment la série Urban After All).

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(cc) Anonymous par Ophelia Noor sur flickr

 

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