À Pétrarque (qui traversa les collines de Provence à pied) est un Atelier de Création Radiophonique de 2003 commandé à Jonas Mekas, sorti en livre-CD au printemps dernier.
Le contenu du disque correspond à la création radiophonique brute, sans commentaire, découpée en 51 plages. Cela s’y prête plutôt bien puisque À Pétrarque est une compilation d’extraits des archives sonores du cinéaste, mis bout à bout, séparés par de courts silences. Pas d’expérience de mélange spatio-temporel, chaque fragment est donné pour lui-même, telle une collection d’instantanés. Quant au livre, il s’agit d’une prolongation de la création radiophonique : la mise en page de souvenirs personnels du cinéaste, photos, dessins et textes griffonnés, reprend le principe de la forme sonore.
Pour l’écoute du disque chez soi, il peut être néanmoins utile de recréer un flux, qui permette d’apprécier le travail de montage.
On risquerait, liste des extraits en main, de passer à côté de l’œuvre, tel un visiteur d’exposition qui sauterait de cartel en cartel. C’est important car le montage joue principalement sur le “vis-à-vis” d’un document en rapport avec celui qui le précède et celui qui le succède. Au fil de ces instants banals assumés avec générosité, des sonorités résurgentes nous en apprennent sur les dadas de Mekas : être en famille, faire de la musique, se déplacer…
La construction linéaire, cependant non chronologique, contribue peu à peu à brosser son paysage autobiographique, celui d’un artiste qui sans cesse mêle vie et création.
L’avant-dernière séquence, d’humeur moins badine ~ une captation du paysage urbain du 11 septembre 2001 ~ teint l’ensemble d’une gravité éclairante.
Un côté “micro posé sur la table” pourra lasser les auditeurs en quête de narration ou de “clarté sonore”. Mais c’est avec une certaine fraîcheur qu’on écoute aujourd’hui ces sons pré-numériques, bruts, souvent distordus, et qu’on accepte d’en entendre tantôt seulement dans le haut-parleur gauche, tantôt rien qu’à droite… ce qui est plutôt une heureuse remise à l’heure de nos pendules technologiques.