2002-2012 : La décennie Arte Radio

Tandis que cet automne, elle fête ses 10 ans d’existence, est-il encore nécessaire de la présenter ? Arte Radio est lancée en 2002 par Arte France, sous l’impulsion de son patron de l’époque, Jérôme Clément, et du journaliste Alain Joannès, qui en confient la conception à un tandem étonnant : Silvain Gire, journaliste et ancien reporter aux Matins de France Culture époque Jean Lebrun, et Christophe Rault, jeune ingénieur du son tout juste diplômé.1 Projet né sur le web, pensé pour le web, Arte Radio souffrira longtemps du dédain du milieu consacré :

…mais, Arte Radio, est-ce vraiment de la radio ?

Pourtant Silvain Gire affirme sa filiation à la tradition de la création radiophonique, à travers des arguments esthétiques, comme la prédominance de la voix et de la narration.2 Pour Christophe Rault, l’inspiration est plus précise : ce sont les documentaires sensibles de Yann Paranthoën, son écriture sonore singulière, qui inspirent sa méthode de formation des auteurs d’Arte Radio.3

Sur le principe de l’écoute à la demande, Arte Radio fut pionnière, en inventant une nouvelle façon de produire et de diffuser des histoires sonores, à une époque où la baladodiffusion (le podcasting) n’existait pas encore. Les “sons” d’Arte Radio (c’est ainsi que la chaîne nomme ses productions sonores) n’ont pas de durée pré-déterminée et se rapprochent de la forme du court-métrage cinéma. S’inscrivant principalement dans le genre documentaire, racontant le réel d’un point de vue sensible, ils ne contiennent aucun commentaire, mais une écriture sonore élaborée.

Mais son succès, Arte Radio le doit peut-être encore plus à son choix audacieux de la licence Creative Commons qui permet de télécharger et de diffuser les sons gratuitement. De nombreuses radios associatives, qui n’ont généralement pas les moyens de produire des programmes aussi élaborés, se sont saisies de cette opportunité pour passer plus de documentaire à l’antenne.

Le “style Arte Radio” plaît, il est reconnaissable et, comme par un effet boomerang, il inspire de jeunes talents. La démocratisation des outils de production et de diffusion aidant (il faut signaler qu’Arte Radio participe de ce mouvement en lançant en 2006 une plateforme d’hébergement d’audioblogs), la webradio d’Arte se met à influencer l’esthétique du documentaire radiophonique francophone, ce que l’on constate aussi bien dans les circuits indépendants, associatifs, qu’au sein même de l’aïeule France Culture où œuvrent désormais nombre d’auteurs natifs d’Arte Radio.

(cc) Patrik Tschudin - flickr

(cc) Patrik Tschudin – flickr

C’est dans la même décennie marquée par le développement intensif d’internet, que fleurissent de plus en plus d’événements et de festivals liés à la création sonore et à la radio qui démontrent, malgré l’individualisation et la segmentation de l’écoute de la radio, que les gens aiment toujours autant écouter ensemble. Arte Radio est de toutes les programmations et propose même, régulièrement, ses propres rendez-vous au public : des “goûters d’écoute” au Point Éphémère à Paris.

Avec plus de 1600 sons au compteur, Arte Radio est devenu un média qui compte, en même temps qu’une archive que l’on peut interroger sur pratiquement tous les sujets. Sans être une radio traditionnelle, elle a conquis une reconnaissance internationale en remportant le Prix Phonurgia Nova en 2003, le Prix Italia en 2012 et trois fois le Prix Europa en 2008, 2010 et 2011.

 

Syntone se devait d’interroger ce qui nous apparaît comme un réel bouleversement du paysage de la création radiophonique francophone. Nous le ferons tout au long de ce dossier de 5 articles, en nous intéressant autant aux contenus qu’aux auteur·es :

  • À travers 10 ans d’intimité radiophonique, Christophe Deleu présente la manière dont Arte Radio a forgé son identité en accueillant la parole atypique, amateure ou anonyme, le journal intime ou encore l’autoportrait radiophonique.
  • Comme un enchaînement logique, Annabel Rémy esquisse un portrait de Claire Hauter à travers ses trente-deux productions pour Arte Radio : La sensibilité du micro.
  • Juliette Volcler, quant à elle, s’intéresse à La vertu du déplacement propre à Mehdi Ahoudig. (Claire Hauter et Mehdi Ahoudig ne sont que deux exemples parmi d’autres auteurs prolifiques et représentatifs d’Arte Radio auxquels il nous manque du temps pour faire une place.)
  • Etienne Noiseau revient, avec Christophe Rault qui a mis Le son au premier plan sur Arte Radio, sur la place d’honneur faite au son, à la fois dans l’écriture et en tant que sujet à part entière.
  • Pour finir, nous passons Silvain Gire au gril d’un grand entretien qui questionne le passé, le présent et l’avenir de cette “petite” radio différente qui a pris de l’envergure… ou du poids, c’est selon !

+ Quelques interludes-surprises : Tu connais pas Arte Radio ? ~ Dans les coulisses d’Arte Radio ~ Sur Arte Radio, on n’entend pas (que) la voix des journalistes ~ Arte Radio, une radio sur écran.

1 Pour l’histoire et la définition d’Arte Radio résumée par Silvain Gire, lire “La radio est un art, pas seulement un transistor”, un entretien par Laurent Gago paru dans Médiamorphoses en juin 2008.
2 Écouter le débat intitulé “La création radiophonique en Europe”au festival Sonor en mai 2012.
3 Sur Syntone, lire par exemple Retour à Lesconil.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.