Depuis une quinzaine d’années, des radios ont fleuri dans les musées et les centres d’arts en Espagne : au MACBA, le Musée d’Art Contemporain de Barcelone, au Musée Reina Sofía à Madrid, dans les Centres culturels de la Casa Encendida et du Círculo de Bellas Artes également dans la capitale. Toutes sont des webradios à la demande qui proposent des émissions sous forme de podcasts. Seule Radio Círculo diffuse en continu (streaming).
Quel que soit leur profil ou leur mode de fonctionnement, il s’agit de projets courageux qui investissent des territoires souvent délaissés par les radios publiques et privées. Évoluant au rythme d’internet, ces radios sont devenues peu à peu la mémoire sonore du lieu qu’elles habitent. Fragiles, elles survivent tant bien que mal à la crise, se réinventent constamment, portées corps et âme par des artistes, chercheur·se·s, journalistes et passionné·e·s, au sein d’institutions qui fournissent un soutien mais peu de moyens. Cependant, même à petite échelle, elles sont aujourd’hui les épicentres de la création sonore et radiophonique en Espagne. Quatre portraits à suivre sur Syntone.
2. Radio Reina Sofía (RRS)
Petite sœur de Ràdio Web MACBA (lire notre article précédent), la Radio du Musée Reina Sofía de Madrid naît en 2011 dans un contexte de crise. À son arrivée, le directeur de l’institution, Manuel Borja Villel, redessine l’organisation du musée et fait du site web un véritable espace de diffusion et de réflexion. L’idée d’y intégrer une radio à la demande est lancée par plusieurs artistes, chercheur·se·s et enseignant·e·s actif·ve·s dans le domaine de la création sonore espagnole.
Peu à peu une équipe se forme, coordonnée par Olga Sevillano, responsable web du Reina Sofía. Elle raconte : « Au départ, c’était un projet très ambitieux avec une importante production de podcasts courts et informatifs sur l’actualité du musée, sous forme d’entretiens avec différentes personnalités du monde de l’art et de la culture ». Mais rapidement le format évolue, les émissions gagnent en complexité, les collaborateurs·trice·s prennent plus de liberté par rapport à la programmation du musée. La voix journalistique s’amenuise voire disparaît au profit de paysages sonores, de sons d’archives et de musique, matière choisie scrupuleusement en fonction du thème abordé.
C’est le cas du podcast Encuentros con los años 30. Ruido de una década (« Rencontres avec les années 30. Bruit d’une décennie ») réalisé par José Luis Espejo : « Je suis parti de l’exposition qui a eu lieu au Reina Sofía fin 2012 sur l’art des années 30 et j’ai décidé de faire un portrait sonore de cette époque en mixant des extraits de discours, d’émissions radiophoniques, de chansons populaires, etc. Je me suis appuyé sur un travail que je faisais à moment-là dans le cadre de mes études sur l’histoire de la pollution acoustique dont la régulation commence justement dans les années 1930. »
On se rapproche de l’essai radiophonique, du documentaire sonore. Les auteur·e·s sont tou·te·s des spécialistes dans leur domaine, ajoute Olga Sevillano. Même si leur durée s’est allongée, on s’est rendu compte que ce genre de podcasts avait beaucoup plus de succès, autant en interne au sein de l’équipe du musée que pour le public sur le web.
Autre particularité de la Radio du Reina Sofía, la rubrique Procesos qui regroupe des créations réalisées par des artistes sonores à partir d’un thème : « penser et écouter le passé à travers le son » avec, par exemple, la Sonic Time Capsule de Andrea Zarza , ou « la représentation du musée comme institution » avec la pièce Erosion/Evaporation (Scan Reina Sofía) de Blake Carrington qui a scanné les plans architecturaux du musée pour en faire des partitions musicales. RRS commande environ trois créations par an pour cette collection.
Mais la Radio du Reina Sofía subit le même sort que Ràdio Web MACBA à Barcelone. Le musée n’est pas équipé de studio et le budget permet tout juste de rémunérer les collaborateur·trice·s et artistes habituel·le·s ou extérieur·e·s.
Cette dernière année 2015 a été consacrée presque exclusivement à la création d’un nouveau site pour RRS, plus clair, dans lequel l’image prend moins de place. Olga Sevillano conclue : « C’est un projet qui demande beaucoup d’énergie et pour lequel il faut se battre, mais on veut quand même lui donner toute l’impulsion qu’il mérite. »
À suivre ! Découvrir les autres épisodes :
- Ràdio Web MACBA, la radio du musée d’art contemporain de Barcelone
- Radio Círculo, la radio du centre culturel Círculo de Bellas Artes de Madrid
- La Radio de la Casa, la radio du centre culturel La Casa Encendida à Madrid