WGXC : 4 nouvelles lettres pour free103point9 ~ Entretien avec Tom Roe

La new-yorkaise free103point9 a vécu plusieurs vies depuis ses débuts undergound il y a un peu plus de dix ans. Elle s’apprête à passer un nouveau cap en 2010, en devenant WGXC, station “full-power” des comtés de Greene et Columbia dans le Upstate New-York, au Nord de la mégapole.

Petite explication des quatre lettres de l’indicatif légal : le W, c’est pour toutes les radios à l’Est du Mississippi (et K pour toutes les autres), le G et le C veulent dire Greene et Columbia et, entre les deux, le X est là pour signifier Transmission ou “tout ce qu’on veut d’autre” dixit Tom Roe, coordinateur de la station. Entretien.

Comment free103point9 a-t-elle commencé et que va-t-elle devenir avec WGXC ?

Nous avons émergé du mouvement “micro-radio” du milieu des années 90 aux États-Unis. Deux figures principales avaient lancé le mouvement. Le premier, Mbanna Kantako, un aveugle d’une cité à Springfield dans l’Illinois, commença à émettre en 1987 sur trois très grands immeubles qui comptaient quelques 20 000 personnes. Il a eu un véritable impact sur la communauté là-bas. Puis à Berkeley en Californie, Stephen Dunifer était écœuré par le manque de critique dans les médias au moment de la première Guerre du Golfe. Alors il a commencé à fabriquer des émetteurs FM et à devenir une sorte de “Johnny Appleseed de la micro-radio” [Johnny Appleseed introduisit et répandit la culture des pommiers dans toute une partie des États-Unis]. C’est eux deux qui sont à l’origine des choses.

Flyer de la première émission pirate de free103point9

Flyer de la première émission pirate de free103point9

free103point9 a commencé à New York City en 1997, au moment où j’arrivais de Tampa en Floride, et précisément de 87X, une micro-radio célèbre là-bas.

Chaque week-end, on empruntait un émetteur et on installait l’antenne sur un toit d’immeuble différent.

On collait des flyers aux poteaux téléphoniques tout autour, là où les auditeurs seraient susceptibles de nous capter, c’est-à-dire dans un rayon d’un kilomètre ou un peu moins. Toutes les micro-radios avaient des credos différents. Pour notre part, nous cherchions à utiliser les ondes de façon artistique. Après plusieurs années, nous sommes finalement devenus une association vouée aux artistes qui utilisent le phénomène de la transmission de manière créative dans leurs travaux. Nous sommes donc sortis de l’époque micro-radio, tout en continuant à donner des ateliers et des séminaires sur comment faire autrement. Nous pensons poursuivre ce travail à l’avenir : free103point9 va se maintenir en tant que telle et ses activités se feront entendre en fin de soirée, la nuit et les samedis, sur WGXC, tandis que l’entièreté de la radio sera informée de l’usage créatif qu’on peut en faire.

“Transmission Arts” est le credo en même temps que le slogan de free103point9, qu’entendez-vous par ce terme ?

Pour nous Nord-Américains, Orson Welles, John Cage, Fluxus sont des influences majeures… Ainsi que les bruiteurs de Radio Noir Theater dans les années 40. Mais l’Art des transmissions est un terme un peu plus large que l’Art radiophonique. Il inclue des artistes qui travaillent avec la lumière, la télévision et d’autres fréquences que celles qu’on considère généralement comme radio. free103point9 veut promouvoir le Transmission Art et étendre le genre, le voir évoluer en même temps qu’évolue le paysage technologique. Nous pensons que c’est important de le défendre. On s’apreçoit qu’il y a de plus en plus d’universités qui l’enseignent aujourd’hui. Galen Joseph-Hunter et Maria Papadomanolaki sont en train de travailler à un projet de publication. Elles essaient de créer un centre de ressources qui agrège toutes les pratiques de Transmission Art dans un seul lieu, afin que les étudiants, les artistes et d’autres gens puissent l’appréhender et l’étudier.

Quel est le sens de devenir WGXC dans le paysage radiophonique des États-Unis ?

On a eu un coup de chance en créant cette radio. L’administration qui régule les ondes s’ouvre rarement à de nouvelles demandes de fréquences, mais c’est ce qui s’est passé il y a deux ans. Alors nous avons ouvert un deuxième lieu pour free103point9, plus au Nord dans l’état de New York, là où une fréquence était disponible. Nous avons fait la demande et avons reçu la licence pour émettre. Ce sera à la fois une radio communautaire ~ depuis longtemps nous plaidons pour que les gens aient directement accès aux ondes ~ et une radio artistique.

Aux États-Unis, la radio est un vaste désert pour ainsi dire. La plupart des stations font tourner une playlist avec des voice-tracks dessus et ce n’est ni très local ni très intéressant. Une poignée de groupes possède la plupart des stations et ils continuent de dégraisser leurs effectifs en les remplaçant par des robots qui gèrent tout en automatique.

WGXC essaiera de faire de la radio locale à l’ancienne avec la technologie d’aujourd’hui. Nous permettrons aux gens du coin de discuter des sujets qui leur sont importants, d’une façon qu’on n’entend pas beaucoup aux États-Unis aujourd’hui. Il y a apparemment beaucoup plus de radio créative intéressante en Europe, au Canada et en Australie qu’aux États-Unis. Et, en Asie et en Afrique, les radios communautaires continuent de se développer là où il y en a besoin. Pour WGXC, nous nous inspirons de ces deux modèles.

Pour le moment, nous sommes une équipe de quatre chefs de projet bénévoles, entourés d’environ 150 autres volontaires. Nous nous financerons par des aides du gouvernement, des fondations, des dons et surtout l’organisation d’événements de bienfaisance pour récolter des fonds. Nous espérons mettre sur pied deux emplois pour la coordination de la station et la direction d’antenne. Notre appel à programmes demande justement aux gens de nous expliquer comment ils pourront s’impliquer dans l’organisation de la radio en plus de leur émission. C’est vraiment un projet communautaire qui requiert beaucoup de soutien et d’engagement de la part des membres de la communauté.

Quel est pour vous le sens du mot “communauté” ?

La communauté est l’ensemble des gens qui pourront capter notre radio. Nous sommes au milieu d’une zone entre New York City et Albany, deux villes gigantesques, et la plupart des petits médias ici préfèrent cibler ces deux gros marchés publicitaires plutôt que les habitants. Il n’y a pas des masses de journaux, de radios ou de télés qui parlent d’eux. Avec cette radio, ce que nous voulons créer, c’est une “conversation” entre les gens d’ici.

Atelier de construction d’émetteur radio organisé par free103point9

À quoi ressemblera la programmation de WGXC ?

La plupart des émissions seront réservées aux habitants, mais n’importe qui dans le monde peut proposer quelque chose. Nous sommes intéressés par des programmes de création pour la nuit et le samedi, il y a donc possibilité pour tous de s’impliquer.

Une des émissions en prévision s’appellera The Creative Commons. Chaque soir, les DJs passeront toute sorte de musique et inviteront en direct des performances, des lectures, des réunions de quartier et d’autres événements communautaires. Par ailleurs, nous aurons des streams dédiés aux spectacles du coin : certaines parties seront diffusées sur la FM et l’intégralité par internet. Ça nous ramène aux années 30-40, bien avant la télévision, où les radios diffusaient leurs orchestres en direct. Il devrait y avoir aussi une émission pirate qui de temps en temps, sans prévenir, interrompra les programmes et prendra l’antenne, ce qui pourrait intriguer l’auditeur d’une manière intéressante. Et WGXC diffusera bien sûr Radia ainsi que d’autres émissions d’art radiophonique.

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Rendez-vous donc en 2010. WGXC aura un nouveau site, www.WGXC.org, redirigé pour le moment sur free103point9.

En attendant, c’est déjà une radio en ligne. Vous pouvez l’écouter et connaître tout du projet en consultant ces pages : sa raison d’être, son actualité (blog) et son appel à programmes (pdf) si vous êtes intéressés.

De plus, free103point9 possède un cadre de résidences d’artistes ~ AIRTime fellowship ~ dont le deadline est le… 1er juillet !

Lire notre post à ce sujet.

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