Visage interdit-Figure détruite

Le festival Longueur d’ondes, dont la prochaine édition se déroulera du 3 au 6 décembre prochain à Brest, a lancé pour la troisième année consécutive son prix de création qui récompense des œuvres radiophoniques et sonores récentes.

En 2008, le Premier Prix de l’œuvre Longueur d’ondes-Nagra France était attribué à Visage interdit-Figure détruite, portrait sonore d’un jeune prostitué par Richard Kalisz.

(cc) stupid pony – flickr

On dirait que ça commence par “une histoire d’amour”. Richard K., le réalisateur, entretient avec le personnage principal, dont on ne connaîtra finalement jamais le nom, plus qu’une simple relation intervieweur/interviewé. Il aborde la relation de ses deux personnages par la mise en place d’un dispositif radiophonique singulier : à l’écoute, Richard K. ~ ou son personnage ~ est d’abord un amant, avant d’être un client et un réalisateur de radio. Et malgré la relation particulière qui les unit, chacun des deux personnages parvient par le son, le grain de sa voix, à suggérer à demi-mot le plaisir d’être avec l’autre.

L’originalité, la force de cette pièce sonore tient dans l’indétermination de sa situation d’énonciation : est-on dans la réalité, dans la fiction ? Ce flou, en jouant sur les potentialités suggestives du son, semble volontairement introduit pour nous conduire à une approche sensible de ce sujet grave qu’est la prostitution. Car au final c’est bien d’une histoire de prostitution dont il s’agit, mais pour en parler le parti pris est explicite : pas de misérabilisme mais beaucoup de sensibilité, et on comprend vite pourquoi la pièce a été primée par le festival Longueur d’Ondes, qui s’attache à promouvoir la dimension expressive du son de radio d’avantage que sa fonction informative.

JH, 1m70, beau garçon, bien monté, cherche radio pour parler.

Mais, malgré sa dimension expressive, on peut se demander si ce portrait évite pour autant une tendance forte de la radio à faire du “social” ? À l’évidence, pour traiter de ce sujet à la fois risqué et rebattu qu’est la prostitution, cette pièce exploite surtout une dimension réaliste qui semble inhérente au média radiophonique. À l’instar de cet autre portrait produit en 2005 par Arte Radio sur le même sujet, Thierry, 22 ans, pédé, prostitué et fier de l’être, la radio est toujours renvoyée à l’art du portrait, de la confession intime. Même dans une optique de création peu d’auteurs s’essayent vraiment à repousser les limites du média personnel. Mais la conversation intime ne contribuerait-elle pas à cantonner ces deux personnages à leur statut de minorité alors qu’ils revendiquent une identité forte et assumée ?

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Visage interdit-Figure détruite
(Épisode 2 : Remonter la pente)

Une création de Richard Kalisz, 2008
En ligne sur Ousopo

5 Réactions

  • Etienne dit :

    Après l’écoute de la pièce, je suis resté sur ma faim. Disons que j’en veux moins à l’auteur qu’au jury qui a récompensé ce qui n’est qu’un simple entretien monté ; un entretien assez exceptionnel, certes, bien membré, tout ce qu’on veut, mais ma foi ceci est un peu peu pour faire une création radiophonique, non ?

  • M.J. dit :

    Mais pour un tel sujet serait-il plausible de sortir de la pure retranscription (j’entends par là le recueil de paroles) ?

  • Etienne dit :

    Hum. Je m’avance un peu, mais oui, bien sûr, on peut traiter le sujet de la prostitution comme on veut. Je ne pense pas qu’il y ait des sujets qui ne doivent être traités que par l’entretien sobre et retenu. D’ailleurs celui-ci n’est pas particulièrement retenu : je pense notamment à la présence tour à tour bizarre, comique ou agaçante du canari, le symbole caquetant du désir qui ajoute un sacré plus à la conversation entre les deux hommes.

    Bon, mais en fait, il ne faut pas oublier que nous parlons de cet « épisode 2 » sans connaître les autres, dans lesquels se trouvent peut-être des développements et des rebondissements. Quoi qu’il en soit, cela ne change rien à ma critique envers le jury qui a primé cet épisode-là et pas l’ensemble de la création.

  • Ihler-Meyer dit :

    Article très intéressant. La notion de « grain de la voix » est très bien exploitée !!

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