Resonance FM, 10 ans sans crier gare ~ 3 questions à Ed Baxter

Après des palpitations temporaires en 1998 (durant le Meltdown festival programmé par John Peel), Resonance FM pousse son vrai premier cri le 1er mai 2002, sous la houlette d’un collectif d’improvisateurs, le London Musician Collective.

On ne se l’imagine peut-être pas, mais Resonance est à l’époque la première radio communautaire autorisée sur les ondes de Londres. Dès ses débuts, elle se distingue par sa programmation éclectique et détonnante assurée par quelque 200 bénévoles, son esprit satirique et la place occupée par les nombreuses communautés londoniennes, toutes réunies autour d’un seul credo : “the art of listening”.

Dix ans après, où en est celle qu’on présente comme la première radio d’art au monde ? L’actuel directeur des programmes Ed Baxter est responsable de programmations obsessionnelles telles que Radio Yesterday ou encore, à travers le Resonance Radio Orchestra, un collectif variable d’acteurs, bruiteurs et musiciens, il a pu concevoir des projets radicaux comme Overheard, qui s’appuie sur la performance d’un comédien lancé dans les rues de Glasgow pendant 48 heures… Mais le plus souvent, Baxter est surtout celui qui porte les lourds dossiers de demande de subvention et de renouvellement de la précieuse licence.

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Resonance studio (cc) Imo – flickr

Resonance FM a 10 ans. Vous l’auriez prédit ?

Quand nous avons commencé, on nous a donné une autorisation pour six mois ou un an, je ne sais plus. Notre objectif, alors, était de réussir à tenir jusqu’au bout. Ce fut une période débordante, qui impliqua des dizaines de gens, bien trop de réunions et beaucoup de chaos. Pour les gens situés au cœur de la radio, les dix ans qui ont suivi ont été un horrible fardeau à la fois financier, physique et psychologique. Certains d’entre nous ne s’en remettront pas. C’est vraiment dommage, mais nous n’avons jamais été de bons analystes de la façon dont la radio fonctionne précisément. Une sorte de superstition quasi autistique nous empêche de décortiquer les choses, de peur de ne plus jamais être capable de les remettre ensemble.

Tom Wallace (DJ Wrongspeed) avait proposé que nous arrêtions au bout d’un an, et que la radio reste pour toujours une entité unique, quasi mythique. Sa suggestion était séduisante, mais à ce moment-là il y eut un afflux d’énergie et Resonance devint une machine folle qu’on ne pourrait plus arrêter. Pour ma part, je pensais que je m’ennuierais au bout de six mois, mais ça ne s’est pas encore vraiment produit. Quand cela arrive, nous avons encore la force de relancer les dés et de tout reprendre à nouveau. Et maintenant, voilà que je veux démarrer une deuxième radio, comme plateforme supplémentaire à Resonance. Mon Dieu…

Resonance FM a la réputation d’être la seule radio du monde à être dirigée par des artistes. Comment cela fonctionne ?

Nous faisons confiance aux gens.

“Comment savoir qu’on peut leur faire confiance ? En leur faisant confiance…” Resonance est essentiellement une ressource dont des gens disposent, tandis qu’une poignée d’entre nous fait en sorte qu’elle fonctionne de façon raisonnablement souple. Le chemin vers la perfection est encore long, mais la réalité quotidienne de Resonance, c’est 200 personnes qui poussent la porte du studio, chacune avec ses propres préjugés et ses propres aspirations. La plupart des gens sont civilisés, intelligents, constructifs.

Certains abusent de notre confiance et nous exploitent, mais nous devons faire avec, cela fait partie du jeu. Peu semblent avoir maîtrisé l’art de faire la vaisselle ou de viser juste dans les toilettes. Mis à part ça, je suis persuadé qu’il appartient aux artistes de “diriger” leur art. Ce dont ils ont le plus besoin, c’est d’une structure de soutien. Habituellement, les artistes sont soit ignorés, soit rejetés, soit durement exploités. En règle générale, plus des mécanismes administratifs ou organisationnels vous éloignent de votre art (mais j’exclue de ça la vaisselle et le ménage des toilettes, qui vous font garder les pieds sur terre), et pire est votre boulot d’artiste.

Comment ça marche ? Vous venez au studio, vous en parlez à vos amis, vous réfléchissez à comment vous pouvez utiliser la radio pour donner du sens à votre vie. D’autres personnes sont là pour vous aider. Vous faites une première émission et puis vous continuez.

Dans la grille actuelle de Resonance, quels sont les programmes que vous recommanderiez à des auditeurs non-londoniens, amateurs de création radiophonique, éventuellement francophones ?

Chaque soir à 20h, nous avons une émission intitulée Clear Spot. Elle dure une heure et permet un accès rapide à l’antenne. C’est une case pour des occasions ponctuelles, des essais, des maquettes d’émission, etc. C’est comme ça par exemple qu’on arrive à garder une certaine fraîcheur dans notre grille. Donc si vous n’aimez pas ce que vous entendez, vous pouvez toujours nous écrire pour proposer quelque chose d’autre. Même en français si vous voulez.

Nous avons quelques émissions de “field-recording”, dont l’émission historique de Patrick McGinley, Framework, les dimanches soir à 23h ou encore Edible Landscapes de Richard Thomas (pour l’instant en veille). Du côté de l’art radiophonique, nous diffusons le programme Radia chaque lundi à 16h et nous avons des contributions régulières d’artistes comme Colin Black, Maria Papadomanolaki, Mark Vernon ou Willem de Ridder. Nous sommes très fournis en musique, cela va du noise ou de l’improvisation au rock engagé ou encore à la musique traditionnelle. Quelque 26 langues sont présentes à l’antenne, il ne faut donc pas s’attendre à entendre parler anglais tout le temps.

Le mieux, c’est d’écouter au hasard, de vous faire votre propre parcours d’écoute.

Et de donner une chance à des émissions qui défient tout catalogage comme la polémique Late Lunch with out to Lunch  de Ben Watson ou Wavelength de William English, qui sont personnellement deux de mes préférées.

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