Phonurgia Nova 2015 : des mots après les votes

Le Prix Phonurgia Nova s’est tenu les 24 et 25 janvier derniers à la Gaîté lyrique à Paris. Zone de silence d’Amandine Casadamont a remporté le Grand Prix, tandis que Los Gritos de Mexico de Félix Blume décrochait le Prix Découvertes Pierre Schaeffer. Syntone participait au jury de cette édition 2015.

Remise des prix dans l'auditorium de la Gaîté lyrique (CC by-nc-nd É. Noiseau)

Remise des prix dans l’auditorium de la Gaîté lyrique (CC by-nc-nd É. Noiseau)

Du côté des auteur·e·s confirmé·e·s, la sélection de cette année était, pour ainsi dire, sans grand éclat. De la virtuosité bien sûr, mais peu de surprise. Des tentatives sincères parfois, quoique pas vraiment abouties. Cela s’annonçait serré. Avec plus de neuf heures de son au total, le traditionnel « marathon d’écoute » eut bien lieu, mais cette année on a regretté de ne pas écouter plus encore ! En effet, une règle du concours stipule que, dans le cas de pièces longues, le jury n’en écoute que les 20 premières minutes. Cette restriction a posé problème à l’évaluation de plusieurs pièces que l’on aurait voulu analyser dans leur intégralité.

Parmi les œuvres ainsi « amputées », deux en particulier, Fichu printemps de Christine Renaudat et The Savage Bull de Bernard Clarke, ont provoqué un débat du fait de leurs sujets plus « sensibles » que les autres. Christine Renaudat a travaillé autour du conflit en Syrie. Dans ces mêmes colonnes, nous avions publié un point de vue sur cette pièce, qui pointait le flou sémantique laissée par l’auteure.

Bernard Clarke, quant à lui, a composé un diptyque dont toute tentative de résumé est déjà potentiellement clivant : la première partie [présentée ci-contre sous le titre Tracing A – 7063] est un montage à partir de témoignages sur la mémoire de la Shoah ; la seconde partie [ci-contre : Human Shields] est une création basée principalement sur la couverture médiatique du bombardement de Gaza par Israël en 2014.

Le fait de ne pas pouvoir juger ces deux œuvres sur leur entièreté était pour moi problématique. Ajouté à cela, la barrière des langues (l’arabe, l’anglais) exigeait la prudence. À l’issue du dernier tour de vote, ce fut donc un soulagement de ne pas les voir arriver en tête. Ayant obtenu une deuxième place ex-æquo juste derrière Zone de silence d’Amandine Casadamont, Fichu printemps et The Savage Bull se sont vues attribuer une mention spéciale.

Un palmarès clair et logique, que j’approuve tout en gardant le sentiment d’un inachèvement. Passé ce compte-rendu en demi-teinte, il est toujours temps, à présent, d’écouter pour soi les pièces dans leur intégralité…

Avec tout cela, nous n’avons pas encore parlé des deux œuvres gagnantes de chaque catégorie. Dans la catégorie principale, c’est une jeune créatrice, Amandine Casadamont, qui a convaincu le jury avec Zone de silence, un Atelier de Création Radiophonique réalisé par Angélique Tibau pour France Culture. Cette pièce se présente comme un essai sur la représentation d’une zone désertique du Mexique. Un travail assumé sur des sons ténus, dont le résultat ne peut pas « passer » sur un poste normal de radio, mais qui se trouve décelable uniquement si on l’écoute au casque. Si le texte de présentation nous informe du contexte social et politique particulièrement tendu de cet endroit du Mexique, la pièce sonore en revanche se présente comme un flux sans véritable dramaturgie, laissant libre cours à l’interprétation.

La compétition de Phonurgia Nova recèle également une catégorie réservée aux moins de 30 ans, le Prix Découvertes Pierre Schaeffer. Comme l’année dernière, c’est finalement parmi la jeune sélection que l’on trouve plus de désir et parfois plus d’audace que chez les aîné·e·s. C’est le cas de Los Gritos de Mexico de Félix Blume, que l’on avait également chroniquée dans Syntone, en soulignant la tentative de renouveler le genre un peu éculé de la « carte postale sonore ». Félix Blume assume la mise en scène du réel et tend vers une écriture musicale des sons de l’environnement.

Quoique l’on puisse toujours trouver à redire au principe des compétitions, le Prix Phonurgia Nova reste un lieu et un moment précieux, dédiés à l’écoute et au débat. Rendez-vous l’année prochaine.

Note : Le jury était présidé par Götz Naleppa, artiste audio, et composé de Kaye Mortley, documentariste, Irène Omélianenko pour France Culture, Maria Castro, conceptrice sonore, Marcus Gammel pour Deutschlandradio Kultur et l’Union Européenne de Radio-Télévision, Lucien Bertolina pour Euphonia, Daniel Deshays, réalisateur sonore, Nicolas Horber pour le réseau Radio Campus France, Étienne Noiseau pour Syntone, Sébastien Besatti pour La Marseillaise, auxquels se sont joints Christian Leblé, président de Phonurgia Nova, et Jean-Jacques Birgé, compositeur, pour le Prix Découvertes Pierre Schaeffer.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

 

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.