Ondes courtes : bandes à part ~ 3 questions à Thomas Witherspoon

Thomas Witherspoon est avant tout un auditeur féru d’ondes courtes, mais aussi un blogueur passionné, un radioamateur licencié (indicatif : K4SWL), ainsi qu’un professionnel engagé en tant que fondateur et directeur de l’ONG Ears To Our World. Nous interrogeons son point de vue d’auditeur sensible et de spécialiste quant au présent et au devenir de ces bandes très à part et quelque peu en voie de désertification.

(cc) Seth Anderson - flickr

(cc) Seth Anderson – flickr

Depuis quand écoutez-vous les ondes courtes ?

Tout a commencé quand j’étais enfant. J’ai grandi en Caroline du Nord, à la campagne. Tous les dimanches matin, mon père allumait son superbe poste RCA 6K3 de 1936 pour écouter l’horloge atomique WWV de Fort Collins dans le Colorado. De temps en temps, nous écoutions aussi d’autres choses, des voix du monde entier : ça a façonné mon imagination. À mes huit ans, ma grand-tante m’a offert son vieux poste à ondes courtes Zenith Transoceanic. Je l’ai installé dans ma chambre et j’ai passé des heures à écouter des voix et des musiques venues de partout. J’étais devenu accro.

Qu’est-ce que vous recherchez ou aimez le plus sur les ondes courtes ?

J’aime les découvertes en général, que ce soit de la musique, des informations, de la propagande, des stations de nombres, des radios pirates ou encore des transmissions temporaires ou même des erreurs. La texture sonore des ondes courtes – les parasites, pops et autres sons atmosphériques – me rappelle celle des disques vinyles, d’une qualité nostalgique indescriptible. Parmi mes enregistrements récents préférés, il y a la Voix de la Grèce, une radio pirate nommée Radio Strange Outpost 7, Ravi Shankar sur All India Radio ou encore une autre radio pirate : Radio Casablanca.

Quel est votre point de vue sur le futur des radios en ondes courtes ?

De nombreuses radios internationales arrêtent la diffusion en ondes courtes. L’année dernière, nous avons ainsi perdu Radio Bulgaria, Radio Canada International et Radio Netherlands Worldwide. À côté de cela, Voice of America (VOA) et le BBC World Service ont également réduit leur offre en ondes courtes en supprimant de nombreux services linguistiques. Il paraît que Radio Australia réduirait ses émissions en Asie. Bref, la situation est plutôt triste, pourtant, dans beaucoup de cas, c’est une stratégie à courte vue. C’est vrai qu’il y a un déclin de l’audience, mais dans beaucoup d’endroits ruraux et isolés du monde, les ondes courtes restent une source d’information vitale. J’en sais quelque chose en tant que directeur de l’organisation Ears To Our World. Nous distribuons des postes de radio autosuffisants en énergie, dans des endroits comme le Sud Soudan par exemple. Aucun autre média ne possède les qualités de la radiodiffusion en ondes courtes. Elle passe au-delà des frontières, ne requiert pas d’ordinateur, et il est quasiment impossible de tracer les gens qui l’écoutent. C’est de l’expression libre et gratuite.

Les raisons de la désertification actuelle sont principalement économiques. Beaucoup de ces stations furent instaurées durant la Seconde Guerre mondiale et encore davantage pendant la Guerre froide. À l’époque, les états voulaient se faire entendre avec la plus grande puissance possible, sans se soucier d’établir des structures efficaces. Pour exemple, l’émetteur de VOA en Caroline du Nord représente un parc de dizaines d’antennes sur plus de 1000 hectares. Même si de telles infrastructures ont été réduites, elles demandent des ressources énormes. Par ailleurs, ces radios sont souvent financées par l’argent public et la priorité en ce moment n’est pas l’audience internationale. C’est exactement ce qui a conduit Radio Canada (CBC), en proie à une baisse de budget global, à supprimer Radio Canada International. Et c’est ce qui affecte aussi le BBC World Service et Radio Australia aujourd’hui.

Mais à côté de cela, on commence à utiliser les ondes courtes pour transmettre des données numériques vers des pays privés d’internet libre, comme la Chine par exemple. VOA appelle cela des “radiograms” : ce sont des messages numériques qui peuvent être facilement décodés avec une simple radio branchée à un ordinateur équipé d’un logiciel open-source. Les radiograms peuvent contenir des informations écrites ou même des images que les citoyens chinois ne pourraient recevoir autrement, car le site internet de VOA est inaccessible depuis la Chine. Ils sont aussi moins sensibles au brouillage. Je crois fermement que le spectre des ondes courtes sera redécouvert une fois que la technologie trouvera comment l’utiliser de façon nouvelle.

 

Les sites de Thomas Witherspoon :
Et ceux qu’il recommande :
  • DXing.com, une richesse d’information à propos de la radio en ondes courtes.
  • DX International, site de Chrissy Brand.
  • Radio Survivor, qui couvre également (et principalement) les radios locales et les webradios.

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