Microcamp Radio fait entendre les voix des camps

Dans les camps en Irak, en Géorgie ou encore à Calais, Microcamp Radio forme des personnes réfugié-e-s et déplacé-e-s à la radio. À travers des émissions réalisées sur le terrain, les premier-e-s concerné-e-s échangent au micro et documentent leur vie quotidienne, démontrant la diversité des parcours migratoires.

Microcamp Radio au camp de Domiz en Irak © Chalaine Chang

Depuis à peine un an, la petite équipe de Microcamp Radio portée par l’association Radio Activité sillonne les routes avec ses ateliers radio. « La radio permet de faire se rencontrer des personnes qui partagent un même territoire, surtout dans les camps où elles s’ennuient beaucoup et où l’on sent un véritable besoin de s’exprimer » reconnaît Antoine Lalanne-Desmet, journaliste à RFI. Née de sa rencontre avec Cloé Chastel, diplômée en action humanitaire, Microcamp s’est rendu cet été un mois et demi au Kurdistan irakien puis en Géorgie en approchant centres communautaires, écoles et associations de terrain. Équipé·e de deux ordinateurs, d’enregistreurs numériques et de quelques micros, Antoine et Cloé forment sur place les participant-e-s qui animent elles/eux-mêmes les émissions. Pour mettre tout le monde à l’aise, Microcamp ouvre les ateliers en demandant des souvenirs personnels de radio : « Les participant-e-s ont souvent un lien très fort avec la radio le matin, des souvenirs de la voix de la chanteuse Fairuz très populaire au Moyen-Orient ou encore les nouvelles de la guerre suivies à travers le poste. Plusieurs nous ont même parlé de fictions radiophoniques qu’ils écoutaient. »

Dans le camp de Domiz en Irak, véritable ville où vivent 32 000 personnes ou dans le centre social de Turak où se croisent à la fois irakien-e-s fuyant L’État Islamique et réfugié-e-s syrien-ne-s1, Microcamp collecte et diffuse les échanges entre les habitant-e-s, traduits en direct en anglais. Abordant les questions du quotidien (santé, culture, éducation…) ou les souvenirs de l’exil, les émissions sont diffusées en direct sur Mixlr, mises à disposition sur Soundcloud et parfois relayées par des radios FM locales comme Radio Al Salam, une radio multilingue basée à Erbil, la capitale de la région autonome du Kurdistan.

« On les encourage à prendre la parole mais ce sont eux qui font émerger les thèmes. L’idée est avant tout de passer un bon moment ensemble. Ils parlent de ce qu’ils veulent comme ils le souhaitent, » poursuit Antoine Lalanne-Desmet, « ce point de vue là est rare et précieux ». Grâce à ce dispositif, la parole se libère de manière parfois inattendue comme lorsque qu’une participante évoque son traumatisme de la guerre et, malgré le tabou, le besoin de suivi psychologique poussant les autres à s’interroger. Une matière d’une grande valeur qui pourrait à l’avenir intéresser les chercheur-e-s sur les questions humanitaires et migratoires.

Suite aux liens tissés à la fois avec les associations locales et le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugié-e-s, Microcamp veut aller plus loin et former des formatrices et des formateurs qui prendraient en charge des émissions régulières de manière autonome. À terme, leur diffusion pourrait aussi passer par une application mobile. « On veut surtout leur laisser du matériel » ajoute Antoine Lalanne-Desmet. Microcamp prévoit de rencontrer des étudiant-e-s de l’École nationale supérieure de création industrielle de Paris qui ont élaboré un studio de radio mobile qui pourrait s’avérer parfaitement adapté à leurs besoins. En décembre, Microcamp formera des bénévoles du Secours Catholique à Calais et, d’ici quelques mois, l’équipe aimerait retourner en Irak, former des habitant-e-s dans la ville de Mossoul qui se reconstruit et dans d’autres camps aux alentours d’Erbil. En attendant, les émissions (traduites en anglais) s’écoutent sur Soundcloud et certaines sont rediffusées dans l’émission Stalingrad Connection sur Fréquence Paris Plurielle à Paris [dont nous avons parlé sur Syntone ici].

Note :

1 D’après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugié-e-s, le Kurdistan irakien accueille plus de 250 000 réfugié-e-s syrien-ne-s. Depuis 2014, plus de 3 millions d’Irakien-ne-s ont également fui l’avancée de l’État Islamique en s’installant au Kurdistan irakien. Ces dernier-e-s ne sont pas considéré-e-s comme des « réfugié-e-s » mais comme des « déplacé-e-s internes » (IDP). Au Kurdistan, environ 800 000 personnes vivent dans des camps, les autres se concentrant autour des zones urbaines.

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