L’art de la musique à la radio ~ Entretien avec Henri Landré

Pour beaucoup de gens, la radio est synonyme de musique. C’est que ces deux-là entretiennent une relation privilégiée depuis des lustres, avec, comme icône, la figure du disc-jockey, prescripteur autant qu’ambianceur. La programmation musicale à la radio est certainement à l’origine de la culture de la “mixtape” : compilation qu’on s’échange sur cassette ou sur CD, qui se transforme aujourd’hui en “playlist” numérique, que l’on peut partager avec son entourage en temps réel, grâce à des applications pour smartphone qui n’hésitent pas à employer le terme de “broadcasting” (radiodiffusion). De la même manière, le mot “radio” lui-même est devenu, de façon dévoyée, un terme marketing employé par les fournisseurs d’accès à internet pour désigner leurs offres de flux musicaux automatisés. Que reste-t-il aujourd’hui de la musique comme culture radiophonique ? Direction Nantes, pour une rencontre avec Henri Landré, 38 ans dont 18 ans de Jet FM comme bénévole puis salarié en charge de la programmation musicale.

Henri Landré © Annaïck Domergue

Une bonne programmation musicale, c’est une bonne liste de morceaux de musique ?

Non. Depuis l’avènement de la musique dématérialisée à grande échelle et les immenses capacités de stockage, je me rends compte qu’une bonne playlist ne fait pas une bonne programmation : l’accumulation de morceaux, qu’on jugera beaux, cultes, amusants ou ce que l’on veut selon sa sensibilité, ne produit pas de sens toute seule, ni ne construit rien d’autre qu’un divertissement pour l’oreille. Quand je dis “divertissement”, je ne parle pas du simple plaisir de la détente ou de l’enivrement que l’on ressent à l’écoute de musiques plus physiques, moins intellectuelles, mais de la “culture du divertissement”, qui est précisément ce que je réfute en radio. Je suis assez heureux d’avoir fini par nommer la chose, après de longues années à me débattre avec des notions qu’on oppose systématiquement comme “populaire vs élitiste”, “intello vs grand public”. Pour moi, cette culture du divertissement n’a rien à faire à la radio ou dans les médias en général; quand la musique, pour y revenir, ne sert que de bouche-trou, de pause, ou de tapisserie ; quand on met du son plutôt que rien.

Avoir les bons ingrédients ne signifie en aucun cas faire de la bonne radio. C’est peut-être même contre-productif d’aligner des sons sans les organiser, si on ne produit pas de sens, quitte à assumer des moments de creux. Il y a, par exemple, de fortes chances que des éléments “géniaux” s’annulent entre eux, si on ne glisse pas dans tout ça quelques autres plus “faibles”, moins “évidents”, qui apportent du relief, comme on fabrique un écrin pour mettre en valeur le bijou.

Une récente étude de Médiamétrie nous apprend qu’aujourd’hui encore, la musique serait la première motivation d’écoute de la radio.

Cela me semble répondre au besoin d’occuper son environnement, d’accompagner une activité (principalement le travail, la conduite ou une tâche domestique…) car, comme le dit l’adage : “la nature a horreur du vide”. La musique à la radio est aussi la vitrine du magasin, qui devrait permettre à l’auditeur de repérer instantanément l’identité de la station, voire sa politique d’antenne, peut-être plus rapidement que par un propos. Je ne connais pas ce sondage Médiamétrie, mais il y a fort à parier que les gens cherchent à la radio des choses qu’ils connaissent déjà et souhaitent ré-entendre régulièrement. Un certain formatage a fait son œuvre et la découverte n’est pas un élan spontané de la nature humaine.

Dans un récent numéro de Télérama, le patron de Fun et RTL2, Jérôme Fouqueray, affirme : “Nous n’allons pas diffuser des chansons que nos auditeurs n’aiment pas.” Qu’en penses-tu ?

J’ai lu cet article et il contient des choses qui me choquent bien plus que ces propos-là. Qu’une station commerciale comme Fun Radio joue le jeu du capitalisme et considère la musique comme un produit, ça ne me dérange absolument pas. On ne fait tellement pas le même travail ! En revanche j’ai plus de mal avec les stations généralistes, et surtout avec le service public, quand il écarte consciemment certains artistes de ses programmations, sous prétexte que les auditeurs ne sont pas prêts pour ça. Cette certaine prétention professorale est peut-être l’héritage d’une radio d’État qui cherchait à éduquer dans un certain carcan. Depuis quelques temps, je note sur France Inter que les programmateurs musicaux sont cités quand bien même ils n’ont proposé qu’une ou deux pauses musicales par émission – sélections qui, bien souvent, relèvent de la connivence commerciale avec l’industrie du disque et n’ont pas grand chose à voir avec le contenu du programme. Autant citer le directeur marketing. On est vraiment dans cette occupation du temps que je déplorais : la pause musicale obligatoire selon un principe de formatage qui laisse à penser que, passé un certain temps d’écoute, l’auditeur décroche. C’est plus que faux et, quitte à couper le propos (la parole) avec de la musique, autant faire l’effort que la sélection prolonge le thème, fasse écho, soit le choix d’un invité, or c’est très, très rarement le cas. Pourtant, la moindre des qualités que doit posséder la personne en charge de la programmation est de savoir réagir au contenu et créer l’harmonie de l’antenne.

On a coutume de penser que la musique en radio est une “évidence”. Or, pour toi, elle doit se justifier et exprimer quelque chose de plus. Quoi ?

J’ai toujours eu du mal avec les notions d’occupation, de rempart à l’ennui, de divertissement (pour y revenir). Si des artistes ont pris la peine de construire une oeuvre, un morceau de musique, c’est le minimum de faire un effort pour sa diffusion, en l’organisant de manière pensée. Je pense à l’immense John Peel sur la BBC, dont le travail a directement influencé l’industrie de la musique, mais aussi, et toujours actuellement, des radios telles WFMU près de New York ou la webradio Shirley & Spinoza, Resonance FM à Londres bien sûr, et probablement un millier d’autres que je ne connais pas… mon seul critère d’auditeur étant d’entendre une voix personnelle et assumée. Il faut que je sente qu’il y a des vraies personnes derrière tout ça, qui conçoivent avec plaisir cette diffusion. France Museau, une station clandestine de la région nantaise, m’a beaucoup impressionné et influencé dans sa manière d’imbriquer totalement le fond et la forme, au point de devenir un objet d’art à part entière, à écouter comme tel, pour ce qu’il est.

Ce quelque chose de plus qu’exprime la musique à la radio serait un sens un rien caché, plus intuitif, qui correspondrait à une rêverie, comme on lit entre les lignes, comme un sous-texte, y compris lorsqu’on diffuse un morceau explicite (une chanson en français par exemple) et qu’apparaît autre chose que son seul sens littéral.

En quoi la programmation musicale peut-elle être un travail créatif ?

La création va se situer dans cette manière de construire le bel écrin dont nous parlions. Je suis en quelque sorte un vecteur, un passeur, un serveur gourmand des plats qu’il apporte, soucieux de son éducation et amusé par les surprises qu’il prépare. C’est un boulot passionnant, qui demande un investissement constant et une remise en question régulière. Choisir des disques, les agencer, les faire résonner, donner du sens, aller fouiller, faire de l’histoire, établir un fond, des bases solides, des fondations puis, pour filer la métaphore architecturale, construire une bâtisse et des extensions, de manière verticale et horizontale, en creux, en bosses… et en tout cas pour moi, éviter la fainéantise, ne pas céder à la facilité.

Verticalité, horizontalité… Peux-tu être plus concret ?

C’est une vision des choses probablement toute personnelle, mais je dirais que la verticalité, c’est le temps, et l’horizontalité, c’est l’espace. Par exemple, de manière concrète et presque caricaturale, j’ai fait quelques programmations qui balaient la seule année 1981 (en 81 minutes, pour faire aussi dans la contrainte, mais nous y reviendrons), ou un seul label (les 40 ans de ECM par exemple) qui se placent donc dans la verticalité, et puis des programmations qui parcourent la musique électronique contemporaine avec un morceau par ville et par pays, ou encore une exploration des déserts en musique et là, on est plus clairement dans l’horizontalité, le déplacement, le paysage. Mais les deux ne s’opposent pas et c’est souvent plus intéressant de les mélanger, car moins formel. L’important, pour moi, est la subjectivité. Chercher en soi les justifications, s’il en faut, aux choix de programmation, plutôt que se réfugier derrière un quelconque paravent (actualité, marché, hiérarchie, obligations en tout genre…).

Et puis il faut s’amuser, prendre du plaisir à la tâche, éviter de ronronner. Pour ma part je me suis rapidement ajouté quelques contraintes formelles pour échapper peut-être à une possible routine. Dès la fin des années 1990, influencé par l’Ouvroir de Littérature Potentielle et surtout le fraîchement créé Ouvroir de Bande-Dessinée Potentiel, j’ai cherché à établir quelques contraintes fortes, structurelles, qui permettaient de faire de la programmation musicale un jeu formel. Organiser des boucles, des itérations, travailler sur des thèmes, procéder en “marabout de ficelle”, bref chercher du sens et de la stimulation intellectuelle dans l’organisation de la musique. Sans le faire systématiquement car j’ai les dogmes en horreur, c’est une manière de travailler qui peut produire de belles choses et surtout m’entraîner sur des terrains que j’aurais peu explorés spontanément.

La programmation automatisée par ordinateur a-t-elle apporté quelque chose à ta pratique, surtout pour les longues plages musicales de Jet ?

Pas vraiment, mais je suis un dinosaure. J’ai la volonté de maintenir un rapport humain (dans le sens organique, physique) à ma manière de faire de la programmation musicale.

Henri Landré © Annaïck Domergue

Cela passe par beaucoup de direct, avec une réalisation technique depuis la table de mixage, que je prends entièrement en charge. C’est un héritage de l’esprit bricoloage des radios associatives. Si Jet FM est maintenant assez confortablement pourvue en salariés (avec notamment deux techniciens), je me refuse à confier la réalisation technique de mes programmations à quelqu’un. Pour moi, il est important d’être à toutes les étapes de cette programmation. Je sélectionne donc les disques, j’en conçois éventuellement les enchaînements par avance (mais je fais aussi beaucoup de semi-improvisation), puis je fais la réalisation technique en direct à la table (tout en renseignant le site internet de la radio à propos du titre qui est en train de passer) et j’enregistre tout cela dans le même temps. Ensuite, je redécoupe éventuellement l’enregistrement ou, tout au moins, j’en corrige les erreurs s’il y a lieu et, seulement alors, je rentre cette programmation dans l’ordinateur de diffusion, dont je ne me sers que comme espace de stockage et de diffusion pour les moments de non-direct (la nuit, les matinées, les week-ends). Ça veut dire que, contrairement à quasiment toutes les radios, cet ordinateur ne possède pas une banque de titres isolés, mais seulement des programmations entières (dont la durée varie entre 30 minutes et 4 heures), donc il conserve les logiques d’enchaînement, les thématiques, etc… Mais, et c’est là ma seule utilisation de la machine pour elle-même, l’ordinateur n’est pas programmé a priori et tout cela passe en mode aléatoire (ce qui peut occasionner de belles surprises pour l’oreille, mais aussi bien sûr des mauvaises – je suis toujours le premier surpris de ce qui arrive, car certaines programmations ont plus de 5 ans et j’en ai perdu le souvenir…). Parfois, j’intègre à l’automate quelques programmations montées sur logiciel à partir de fichiers musicaux, mais c’est beaucoup moins drôle car, même si j’essaie de ne pas trop peaufiner, l’énergie n’est pas la même qu’en direct.

D’une manière générale, je ne trouve pas les fichiers très pratiques et, pour des raisons de qualité de son également, je préfère encore les vinyles et CD. Et je crois que la notion de temps est décidément très importante pour moi. Le temps passé à chercher les sélections, le temps réel de la diffusion (qu’il m’est important d’éprouver au même degré que ceux qui écoutent) et le temps diffus et dissolu de la rediffusion aléatoire. Pour moi, la radio, c’est le flux organisé, pensé, éphémère. Je suis très attaché à l’hertzien, la diffusion analogique en temps réel, l’exactitude du présent partagé par l’émetteur et le récepteur. C’est littéralement une “présence”, diffuse, impalpable.

Depuis sa naissance, la radio vit une relation véritablement matrimoniale avec la musique. Leurs destins sont-ils liés à jamais ?

Je ne vais pas filer trop longtemps la métaphore, mais on peut penser qu’il y a déjà eu quelques coups de canifs dans le contrat de mariage. Peut-être s’achemine-t-on résolument vers un ménage à trois depuis le début des années 2000, puisque cet outil de diffusion qu’est internet semble être considéré par beaucoup comme une alternative à la radio. Or pour moi, rendre disponible sur la toile de la musique (quand bien même est-elle organisée ou pensée par un “curateur”) n’est pas du tout la même chose que de la proposer sur une radio de manière volontaire et sans aucun contrôle possible de l’auditeur (sauf le droit de zapper ou éteindre son tuner).

Plus “philosophiquement” (et naïvement peut-être ?) : la musique est, comme l’on dit, un langage universel. C’est une force d’évocation, de sensations, de rêverie ou de tensions qui dépasse la raison et fait appel aux émotions, à l’affect. La radio, par ce même travail de suggestion lié à l’oreille, semble en effet l’écrin idéal pour cette forme d’art. Une fabrique d’images personnelles irremplaçable.

Voir aussi la programmation musicale de Jet FM.

Photos : Annaïck Domergue

14 Réactions

  • Jacques dit :

    « j’ai plus de mal avec les stations généralistes, et surtout avec le service public, quand il écarte consciemment certains artistes de ses programmations, sous prétexte que les auditeurs ne sont pas prêts pour ça. »

    J’avais oublié de traiter ce sujet dans mon commentaire précédent (j’ai un peu l’esprit d’escalier ….) et je tiens tout de même à opposer un argument à cette affirmation que je trouve pour le moins péremptoire et faussée par son aspect trop généralisant. J’ai souvenir de mes années rémoises (jusqu’à mon départ en 1985) où nous avions grâce à FIR ( le FIP local rémois à cette époque) la chance de découvrir des auteurs-interprètes qui à ce jour ne sont toujours pas diffusés ailleurs (Môrice Bénin, Jean-Claude Vannier etc… )

    Lorsque quelques lignes plus loin je lis des choses relevant du procédé « Marabout-de-ficelle » ma mémoire se réfère là encore à FIP qui utilise ou a utilisé ce procédé il y a plus de 30 ans maintenant.

    Je voulais seulement remettre à l’honneur les grands anciens de cette radio publique qui ne gâchaient pas le paysage sonore eux non plus ;-)

  • Jacques dit :

    Entièrement d’accord avec ce qui est dit de la fumeuse Playlist de France-Inter qui est agaçante au plus haut point…

  • Henri Landré dit :

    Bonjour

    je suis bien d’accord avec la référence à Fip, d’autant que nous n’avons pas eu le temps de l’évoquer dans l’entretien avec Etienne mais c’est une grande influence pour moi, le Fip des années 1980 où les programmations étaient plus libres, moins contraintes qu’actuellement par une actualité ou des tentations jeunistes. Mon propos est en effet péremptoire car il est difficile de faire autrement quand on veut aller à l’essentiel d’une idée, les exceptions et nuances passent souvent à l’as.

    Quant au marabout de ficelle et autres contraintes formelles j’espère n’avoir pas laissé entendre que j’avais inventé cette forme de programmation… Je l’utilise peut-être plus systématiquement qu’ailleurs c’est tout.

    A vous lire.

    +

    h.

  • Jacques dit :

    Merci beaucoup pour cet éclairage complémentaire sur l’entretien avec Etienne. Il est vrai qu’il est difficile de parler de façon exhaustive de la pratique radiophonique à 360° en un court entretien. Bonne continuation sur les ondes et peut-être à vous rencontrer lors du Festival Longueurs d’Ondes à Brest?

  • Rémy dit :

    Syntone bonjour, j’écoute exclusivement des radios associatives car plus engagés, plus accessibles, plus vraies, moins voire pas du tout commerciales, et des webradios francophones, anglophones ou hispanophones.

    Voilà, ensuite la question, pour faire simple, c’était que, puisque le programmateur donne le ton d’une radio car c’est a priori la musique diffusée qui attire l’auditeur, puisque donc le programmateur est l’âme de la radio, si une radio en change, de programmateur (vous suivez là?), est-ce que cela veut dire qu’elle vend son âme, partant du fait que nous avons tous une culture musicale et une approche de la musique qui nous est propre?

  • Denis Florent dit :

    Très intéressant.

    Je serai néanmoins en désaccord avec la critique faite au Service Public sur le thème « ils refusent certains artistes ». Que souhaite-t-on ? Que le Service Public diffuse tous les CDs qu’il reçoit? Le « service », justement, est bien d’éditorialiser la programmation, et donc de faire des choix.

    D’autre part, je m’étonne de lire que France Inter fait dans la « connivence commerciale avec l’industrie du disque ». Inter est la seule radio à ce niveau d’audience qui continue d’exposer des artistes qui n’auraient autrement pas accès aux medias mainstream. Ou alors, il faut dire que la « connivence commerciale » commence lorsqu’on diffuse autre chose qu’une démo…

    Ces deux points mis à part, une interview rafraîchissante et pleine de couleurs ! et qui me permet, à moi, de me retrouver ici défenseur du Service Public… ce qui est assez goûtu ! :-)

    Merci Syntone !

  • Henri Landré dit :

    Bonjour

    alors précisons un peu une ou deux choses: bien d’accord sur « l’éditorialisation » de la programmation et il n’était pas question de dire que tout doit passer n’importe comment sur le service
    public. La politique d’antenne est quelque chose qu’il faut défendre absolument et encore une fois la subjectivité assumée est primordiale. Bien d’accord sur les choix nécessaires donc, mais ça
    me gêne plus quand ils sont restreint à quelques labels, souvent importants, au mieux semi-indépendants et quand une autoproduction n’a pas une chance d’émerger. Je parle bien ici de la
    programmation générale et pas des émissions musicales spécialisées qui ont leur autonomie. Il me semble que le niveau d’audience ne doit rien avoir à faire avec la curiosité dont peut faire
    preuve le programmateur et ce serait déjà formater et présupposer d’un hypothétique (et fantasmé) « goût du public » que de fabriquer une programmation musicale en tenant compte des chiffres
    d’audiences. Ces derniers sont le résultat éventuel d’un travail, il est très préjudiciable pour la diversité de les placer en amont.

    +

    h.

  • Denis Florent dit :

    Merci Henri pour les précisions.

    Sur les autoproductions, j’ai une réponse un peu idiote – je l’avoue – en ce sens qu’elle est purement factuelle : Youtube ! Les quelques milliards d’âmes qui peuvent avoir accès aux autoproductions sur Youtube – et le phénomène de buzz assez impressionnant qui s’en suit – sont une chance incroyable pour les micro-labels ou les auto-prods.

    Prenons l’exemple d’un ENORME succès commercial de 2012 : Gothie / Somebody that I used to know. AUCUNE radio commerciale n’aurait joué ce titre s’il n’avait pas fait Buzz-buzz sur le net.
    Certes, ce n’est pas au sens propre une « petite production » (quoi que…) mais ce titre passait pour « complètement ésotérique » aux oreilles des programmateurs commerciaux. C’est Youtube + Facebook qui l’ont sauvé / imposé. Et accessoirement, c’est loin d’être une daube :-)

    Autre précision : ce que je voulais dire à propos du niveau d’audience d’Inter, c’est que lorsqu’on est le Mouv’, avec 2 auditeurs, diffuser des autoprods ou autre maquette, ça ne rend aucun service à l’artiste, puisque ça ne l’expose pas, ça ne lui offre pas d’oreilles. Alors que lorsqu’on est à 10 points, on offre un public conséquent à ces mêmes petites prods, rendant ainsi un service bidirectionnel : on propose un artiste à un public, et on offre un public à un artiste.

    Sujet passionnant !!! :)

    DF

  • Henri Landré dit :

    Bon je ne vais pas renchérir chaque fois, en effet le sujet est passionnant (et passionné probablement). Malgré tout: concernant Youtube et autres je ne m’avancerais pas trop mais il me semble que c’est un autre formatage qui est à l’oeuvre et de vrais/faux buzz « spontannés ». C’était d’ailleurs le point de départ d’Etienne dans notre discussion: la diffusion foisonnante via le net est-elle de la radio?!. Il est vrai que si Gotye passe pour une petite production alors il y a du boulot et des cotons tiges à distribuer (ce qui n’enlève rien à la qualité/efficacité du morceau). Quant au rapport artiste/public, si la radio et sa programmation peut oeuvrer à faire l’intermédiaire il n’a à mon sens jamais été question d’être un service dont le sens serrait de doter l’artiste d’un large public. Les gens ont des oreilles, ils savent s’en servir pour peut qu’on leur fasse des propositions. Plus la proposition est large plus les auditeurs sont aptes à faire leur propre chemin et moins la tâche est simple pour les annonceurs il est vrai. Trop de libre arbitre effraie il semblerait ?!

    A vous lire.

    +

    h.

  • rmn dit :

    deux auditeurs, c’est tout de même un auditoire. ll se passe des choses bien plus riches et variées dans les espaces de diffusion avec « deux auditeurs » ou spectateurs, que dans les zéniths ou sur les ondes musicales aux foules de dizaines/centaines de milliers d’âmes. Vous confondez création et business, non?

    Si Gotye est « complètement ésotérique », alors ma discothèque est vraisemblablement totalement inécoutable :)

    Pour revenir à l’article, on ne peut que saluler le travail de M. Landré, qui revendique à raison la subjectivité du programmateur. Les plages musicales à la radio, n’ont aucun intérêt si elles laissent pas transparaitre une personnalité, commune ou indivicuelle. La radio (locale) doit à mon sens être un phare sonore, dont la vie intérieure doit être rendue palpable à l’auditeur.

    Petit point de désaccord, dans la forme: les automates informatiques permettent a priori ce genre de programmation; les robinets à musique ne sont que le résultat de la facilité à laquelle cèdent leur utilisateurs. La technique évoluant incite certes à la paresse, mais elle ouvre aussi la créativité.

  • Rémy dit :

    Salut à vous,

    Je tenais tout d’abord à remercier le journaliste qui a eu l’idée de cet entretien, car il est vrai que l’exercice des programmations musicales est peu évident tant il est facile de sombrer dans l’évidente facilité justement. On peut se sentir au début rabaisser car on n’a l’impression de ne faire que de la diffusion, de la juxtaposition de morceaux qui ne sont même pas de nous etc…
    Cet article me rassure donc en de nombreux points; notamment le fait qu’une programmation musicale soit importante dans une radio et qu’elle ait toute sa place, qu’ériger une programmation musicale n’est pas dégradant et ce qui me fait sourire c’est qu’au fil du temps, j’ai l’impression d’avoir la même vision qu’Henri sur la musique et la programmation.
    En en parlant avec un ami bénévole sur une radio rennaise, il me disait:
    – « une prog c’est pas juste passer des morceaux, sinon c’est naz! les titres diffusés perdent tout leur sens! »
    Et qu’est-ce que c’est vrai! Une programmation doit avant tout respecter ce qui la constitue, et donc, ne doit pas retirer tout le sens d’un morceau, toute sa beauté, tout son génie ou non, en ne faisant que l’enchaîner à un autre.
    Bref, pour conclure, une programmation est, selon moi, une oeuvre réfléchie, un exercice formateur qui m’a beaucoup aidé à la compréhension de la musique et à la compréhension du rapport qu’à l’Autre à la musique, cela m’a permis de m’ouvrir et de percevoir les choses différemment.
    Merci à Etienne et Henri (et Annaïg pour la photo). 

  • Rémy dit :

    Ah oui j’oubliais, je tenais aussi à saluer le boulot des programmateurs car selon moi, à l’heure du mp3 et de la musique de consommation – qui dénature et émascule complètement les titres musicaux -, les progs zicales redonnent tout ce sens perdu aux morceaux.

    Car je ne suis pas de ceux qui pensent que la musique peut être en toile de fond. Je suis convaincu que la musique tient un réel rôle dans nos vies et est bien plus importante qu’on veut souvent le croire, que l’on soit mélomane ou non; elle nous accompagne partout: au téléphone pour patienter, au supermarché, au travail etc…
    D’où l’intérêt d’une programmation réfléchie, car même si l’auditeur n’écoute que d’une oreille ou laisse totalement la programmation en fond, l’inconscient travaille, lui, l’inconscient est puissant et quelque part, les morceaux diffusés auront un eccho, maintenant, serait-ce l’eccho escompté?… 

  • Rémy dit :

    Et, QUESTION: si l’on part du principe que nous avons tous un rapport à la musique qui nous est propre, une approche à la musique propre à chacun, un vécu propre avec la musique, une radio qui change de programmateur, et pour rebondir sur la métaphore matrimoniale, changerait-elle en son sein au même titre qu’une personne peut se remarier, peut avoir plusieurs amours dans une vie?

  • Henri Landré dit :

    Le changement n’est pas forcément la perversion ou la trahison. Et: une radio qui a définie une identité forte (par sa programmation certes mais aussi par tout un tas d’autres éléments qui sont en adéquation: rédaction, identitée sonore, communication…) doit être respectée par quiconque arriverait en poste. A chacun de trouver sa liberté dans le cadre donné. Ce serait trop dispersé de changer d’identité à chaque mouvement de personnel. C’est un équilibre délicat d’affirmer une personnalité forte (sur la programmation musicale par exemple) tout en disparaissant relativement derrière l’entité qu’est la station. Mais c’est qui est intéressant.

    +

    h.

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