La lumière du frigo, mix au long cours

La bande FM, comme les boîtes de nuit, regorge de mixs. Mais sur l’une ou dans les autres, le mix reste presque toujours cantonné dans quelques cases précises : frénétique ou planant, select ou comique, le parfait fond sonore de la vie moderne. Bien rarement devient-il un outil pour interroger, confronter, surprendre. On résiste d’autant moins à signaler une nouvelle émission de création sonore – nouvelle sur Syntone, mais depuis 1998 sur les ondes de Radio Canut sur le 102.2 MHz à Lyon : chaque mercredi de 21h à 22h, la Lumière du frigo fait du mix un moment de poésie radiophonique. La vie moderne, mais version un pas de côté.

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Le titre de l’émission est tiré d’un roman d’Alain Gagnol : « Les lampadaires luisaient dans le noir comme des lumières de frigos dont on aurait laissé les portes ouvertes ». [Image : Bugsy, The Hill, Creative Commons by-nc-nd]

Après un splendide indicatif (Those stately fools in granite ships des Spaceheads), on part pour une heure d’« improvisation sonore construite à partir de différentes sources : vinyls, CD, minidisc, films, radio ». L’émission commence par la découverte d’un album (de noise, électro-acoustique, hardcore ou autres musiques expérimentales) « le temps de se caler » (une improvisation muti-supports demande quelque préparation en studio, par exemple quand on travaille avec « cellules et disques préparés + sampler à pied »), puis c’est la plongée dans le long mix – avec très peu de paroles, juste le minimum pour faire le liant dans l’émission. Tout devient matériau musical et l’on goûte aussi bien les sélections rares que les enchaînements, superpositions et arrangements. On flotte on ne sait où, entre deux sons, entre deux lieux, quelque part entre le réel et l’imaginaire.

Dans l’une des émissions récentes, par exemple, la 537, puisqu’elles sont scrupuleusement numérotées, le récit d’une vieille dame née en 1914 est traversé par diverses nappes, sombres, urbaines, historiques, qui lui donnent une toute autre résonance. Dans la 535, c’est une composition de musiques, d’archives, de grésillements et de bribes d’entretiens. Il y a plus longtemps, la 432 faisait quant à elle se côtoyer la violoncelliste Helen Money, le compositeur Pierre-Yves Macé, de la musique électronique perse, du tango et de l’opéra – et la 505, une anthologie de noise et un orchestre de légumes. Et, last but not least, la 433 était toute entière consacrée à une « spéciale train » mémorable, réalisée avec un membre de la Mégacombi, autre émission de Radio Canut :

La Lumière du frigo est également à l’initiative de mixs collectifs où les divers programmes de Radio Canut étaient invités à participer à un grand cadavre exquis pour se faire connaître. L’émission est joliment représentative de l’esprit et du fonctionnement de son antenne : faire de la radio inventive, solidaire et critique avec les moyens du bord, une heure par semaine en direct. Et cela donne un fort bon moment de création sonore et musicale.

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