« Homecoming » ou l’efficacité de la série appliquée à l’audio

Quelque part en Floride, Heidi Bergman travaille pour le programme « Homecoming » (retour à la maison) : elle aide des vétérans à réintégrer la vie civile. Heidi rencontre ainsi Walter Cruz, qui vient de rentrer du front et présente d’importants signes de stress post-traumatique. Mais peu à peu, elle va découvrir d’étranges choses sur le programme auquel elle participe… Homecoming, fiction produite par le studio de podcast américain Gimlet Media, se binge comme un show Netflix  — sans s’arrêter, avec délices et trépidations. Et pour cause : le succès de Homecoming, c’est aussi celui des codes de la série télé, repensés pour le son.

Palm trees | CC by-nc Olivier Riché

Homecoming est le bébé de deux auteurs : Alex Blumberg, fondateur de Gimlet Media, et Eli Horowitz, qui dirige sa section fiction. Blumberg est un ancien journaliste radio (pour l’émission de reportage This American Life notamment) et Horovitz a travaillé plus de dix ans dans les milieux littéraires pointus, mais aucun des deux n’avait d’expérience d’écriture radio (« j’ai littéralement cherché sur Google : “comment devenir réalisateur” », a confié Horowitz au New York Times).

Leur première fiction s’inscrit clairement dans l’univers de la série télé : c’est un thriller sur fond politique, un genre particulièrement adapté à la série avec son mystère, sa noirceur et sa tension dramatique constante. Mais les auteurs ont eu l’intelligence de penser leur thriller pour le son, de construire une narration où la situation d’enregistrement et de parole est centrale : « Toute l’intrigue est née de cette contrainte. Je voulais une intrigue où l’essentiel de l’histoire se passe dans des conversations », a raconté Horowitz au New York Times. Homecoming est essentiellement un montage, non-linéaire, de conversations enregistrées avec ou sans le consentement des interlocuteurs·trices (sessions de thérapies, appels téléphoniques etc). Ces conversations révèlent les enjeux de pouvoir, les rapprochements entre les personnages, tout en jouant de ce que nous savons ou non. Ses créateurs décrivent Homecoming comme « un thriller psychologique » — il est aussi, profondément, radiophonique.

Autre emprunt majeur, et non des moindres, à l’univers des séries télé : les stars. Catherine Keener (Dans la peau de John Malkovitch, 40 ans toujours puceau, Get Out…), Oscar Isaac (Jason Bourne, X-Men, Star Wars…) et David Schwimmer (Friends) sont des poids lourds de Hollywood – et la qualité de leur jeu contribue énormément au succès de la série. C’est grâce aux acteurs et aux actrices que l’on écoute la deuxième saison — moins « expérimentale », plus linéaire que la première, elle est aussi moins prenante et moins réussie.

Aux États-Unis, Homecoming connaît un succès mérité. Amazon a d’ailleurs acheté les droits avant la fin de la première saison et achevé la production d’une version audiovisuelle qui sera diffusée sur sa plateforme de streaming à partir de novembre 2018, avec Julia Roberts dans le rôle principal. Preuve qu’aujourd’hui c’est la forme sérialisée qui triomphe, indépendamment du médium dans lequel elle s’incarne. Indice aussi d’un avenir radieux pour une fiction sonore qui apprend de plus en plus des codes, réussites (et clichés) de la télé.

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