« FilmRadioFilm » : images partielles d’une dramatique

En janvier 2012, le cinéaste Guillaume Kozakiewiez est venu à France Culture filmer les enregistrements de La Traversée de l’Hudson, une fiction dirigée par François Christophe d’après un texte de Peter Stephan Jungk.

En un peu plus de cinquante minutes, FilmRadioFilm capte la ronde des comédiennes, comédiens, bruiteur, ingénieur du son et réalisateur d’une « dramatique radio » en work-in-progress. La caméra de Guillaume Kozakiewiez est discrète et néanmoins proche des visages et des corps. Elle enregistre les relations tendues par l’écoute, car la fabrication de la fiction repose avant tout sur la communication non visuelle entre le réalisateur, en cabine en haut, et les comédien·ne·s, en studio en bas, physiquement séparé·e·s et seulement relié·e·s par le micro donneur d’ordres. (À la même époque de tournage et de façon similaire, Nicolas Philibert appuya également sa mise en scène sur de tels « hors-champs » pour sa Maison de la Radio). De façon indirecte, FilmRadioFilm est également porteur de la mémoire de François Christophe, dont la disparition accidentelle en 2013 a touché celles et ceux qui ont souligné son apport comme réalisateur aux fictions de France Culture.

FilmRadioFilm est un document important. Il montre, comme rarement et en longueur, la fabrique d’une création et des métiers méconnus. Cependant, il ne s’agit que de quelques-uns des métiers et d’une partie seulement de la fabrique, car les étapes qui suivent l’enregistrement sont absentes du film. En effet, l’œuvre radiophonique continue de s’écrire, après les enregistrements, par le montage où sont introduits d’autres éléments sonores, puis par le mixage.

Guillaume Kozakiewiez s’est donc arrêté au plus évident à filmer, au plus pittoresque (au sens propre), qui ravira quiconque n’a jamais vu les coulisses d’une dramatique radio à France Culture. Mais, même en tant que document, FilmRadioFilm s’épuise à la moitié de sa durée, répétant à l’écran les mêmes situations, paraissant chercher une inspiration nouvelle dans l’architecture géométrique du studio 110. Peu à peu, la routine du film laisse transparaître la routine de la radio. Ces « agité·e·s du bocal » nous questionnent. Dans l’artificialité de cet espace neutre et froid qu’est le studio, dans le caractère suranné de l’interprétation figée par la lecture du texte, dans l’étrangeté de ces comédien·ne·s condamné·e·s à jouer sans leur corps et à s’abandonner au bruiteur qui vit l’action à leur place, dans le grain de ces voix trop « radiogéniques » pour être vraies, on trouve beaucoup d’engagement, certes, un grand savoir-faire, mais aussi l’image d’une mécanique pas très vivante.

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