En Espagne, c’est au musée que ça se passe (3/4) : Radio Círculo

Depuis une quinzaine d’années, des radios ont fleuri dans les musées et les centres d’arts en Espagne : au MACBA, le Musée d’Art Contemporain de Barcelone, au Musée Reina Sofía à Madrid, dans les Centres culturels de la Casa Encendida et du Círculo de Bellas Artes également dans la capitale. Toutes sont des webradios à la demande qui proposent des émissions sous forme de podcasts. Seule Radio Círculo diffuse en continu (streaming).

Quel que soit leur profil ou leur mode de fonctionnement, il s’agit de projets courageux qui investissent des territoires souvent délaissés par les radios publiques et privées. Évoluant au rythme d’internet, ces radios sont devenues peu à peu la mémoire sonore du lieu qu’elles habitent. Fragiles, elles survivent tant bien que mal à la crise, se réinventent constamment, portées corps et âme par des artistes, chercheur·se·s, journalistes et passionné·e·s, au sein d’institutions qui fournissent un soutien mais peu de moyens. Cependant, même à petite échelle, elles sont aujourd’hui les épicentres de la création sonore et radiophonique en Espagne. Quatre portraits à suivre sur Syntone.

3. Radio Círculo

Radio Círculo naît au début des années 2000, dans le centre culturel privé à but non lucratif du Cercle des Beaux Arts (Círculo de Bellas Artes) à Madrid. Contrairement aux autres « radios de musée » qui diffusent uniquement sur le web, Radio Círculo a longtemps revendiqué sa présence sur les ondes locales madrilènes. « Ce qui est fort, c’est l’acte communautaire, le fait de pouvoir écouter la même chose au même moment que quelqu’un d’autre à 50 km », explique David Coello, un des deux responsables de Radio Círculo.

L’idée de monter une radio est venue du précédent directeur du Cercle des Beaux Arts, César Antonio Molina, un journaliste, écrivain et homme politique espagnol. « Il voulait une antenne entièrement dédiée aux arts, aux sciences et à la culture, sans publicité, qui serait un haut-parleur du Círculo », raconte David Coello.

Dans le studio de Radio Círculo

© Radio Círculo

La dynamique de Radio Círculo est alors proche de celle des radios associatives et communautaires. La grille des programmes est ouverte aux bénévoles qui souhaitent présenter un projet d’émission. En contrepartie, ces dernier·e·s sont accompagné·e·s et formé·e·s. « Mais ici on offrait autre chose, on voulait professionnaliser cette impulsion qui venait des radios amateurs. On avait le souci d’une radio élaborée avec soin », précise David Coello.

C’est ainsi que pendant une dizaine d’années, une équipe fixe composée d’ingénieurs du son et de rédacteur·trice·s ainsi qu’un groupe de collaborateur·trice·s extérieur·e·s assurent des émissions en direct tous les jours de 9h à 2h du matin sur le théâtre, la danse, la photographie, la création sonore, etc. Ils émettent alors surtout en espagnol mais aussi en langues étrangères, dans le cadre de partenariats avec des institutions culturelles du monde entier.

Pour moi, c’était ce qu’on pouvait imaginer de mieux en termes de journalisme culturel, témoigne David Coello.

Mais peu à peu, la crise est venue modifier drastiquement les idéaux de départ. « Il y a 3 ans, il a été question de fermer la radio, mais finalement on a vendu la licence pour passer uniquement à une diffusion sur internet. C’est dommage, on a perdu cette proximité. » La radio a maintenant intégré le service de Presse et de Communication qui ne compte que deux personnes. Avec le départ des ingénieurs du son, le nombre et la diversité des émissions ont également été affectés. David : « Les passionné·e·s qui espéraient peut-être se lancer dans la radio ont dû arrêter leur émission pour chercher du travail et des moyens de subsister ». Mais autre effet collatéral de la crise économique, plusieurs journalistes professionnels licenciés par les grandes chaines de télévision et de radio, sont venus se présenter à Radio Círculo. « Ils voulaient continuer à faire de la radio, même sans être payés », explique David.

Aujourd’hui la radio demande à ses collaborateur·trice·s d’être autonomes et de fournir des émissions « prêtes-à-diffuser ». « C’est de la survie. J’ai l’impression qu’on est devenu un petit bastion légèrement romantique. Je ne dirais pas que notre radio est une cause perdue, mais c’est une lutte, c’est sûr ». Le public suit tant bien que mal le passage de la FM à internet. Selon les mesures d’audience, Radio Círculo, qui comptait environ 100 000 auditeurs du temps de la diffusion sur les ondes (année 2009-2010), peine à en réunir 3 000 chaque mois depuis qu’elle n’existe que sur le web.

Malgré tout, David Coello et son équipe continuent d’entretenir l’esprit et la philosophie de Radio Círculo. La grille compte actuellement cinquante émissions, pour la majorité musicales. Parmi les plus anciennes de l’antenne, il y a Entrelares sur les musiques traditionnelles et folk dirigée par Sonia Frías. « Nous avons aussi des rendez-vous culturels hebdomadaires comme La Butaca sur le cinéma, La Guía del Comic sur la bande dessinée ou bien Cine Corto, la seule émission radiophonique en Espagne dédiée exclusivement au genre du court-métrage », explique David Coello. Plus engagée, plus politique, Contratiempo (Contretemps) sur la mémoire historique ou El Buscón de realidades (Le chercheur de réalités), une demi-heure d’entretiens avec des acteurs et actrices de la culture.

« Nous avons également des émissions en langue étrangère : l’italien dans La Vita è Bella et le portugais dans Conexión Brasil« . David Coello réalise quant à lui plusieurs magazines comme Vocifieria qui fait ponctuellement une place à l’expérimentation sonore et audiovisuelle. Ça a été le cas dans El cielo sobre Berlin (Le ciel de Berlin), un hommage sonore au film de Wim Wenders Les Ailes du désir. Jusqu’à l’année dernière, deux autres espaces étaient consacrés à la création sonore et radiophonique : La Oveja Negra (Le mouton noir) et Borratajos y Ruidos. Ils ne font plus partie de la grille aujourd’hui mais sont toujours disponibles en podcast.

David Coello conclue : « On cherche à créer un maximum d’alliances avec des webradios et des radios FM locales. L’idée, c’est de mettre à profit nos studios pour des émissions qui sont ensuite diffusées sur d’autres antennes. On ne cherche pas l’exclusivité à tous prix, mais la liberté de mouvement afin de constituer un réseau. »

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